Pourquoi, en Afrique, l’église catholique s’engage-t-elle dans le jeu politique  ?

Afrique du Sud, Kenya, Tanzanie, Soudan du Sud, Cameroun… L’église catholique s’implique à nouveau sur le champ politique dans biens des pays africains. Pourquoi un tel engagement ?

Mal-gouvernance, manipulation des élections, tripatouillages constitutionnels… De plus en plus d’églises africaines s’élèvent contre les maux qui rongent le pouvoir et le monde politique. Le cas de la République démocratique du Congo (RDC) est le plus emblématique : après avoir présidé l’accord sur le nouveau calendrier de l’élection présidentielle, et après avoir constaté la mauvaise volonté du pouvoir à l’appliquer, l’épiscopat dénonce ouvertement les manœuvres du président congolais et soutient les manifestations contre le régime lancé par ses fidèles.

Afrique du Sud, Kenya, Tanzanie, Soudan du Sud, Cameroun… L’église catholique s’implique à nouveau sur le champ politique dans biens des pays africains. Et même dans des pays où elle n’était pas connue pour cela comme au Gabon, au Tchad et au Togo.

Alors, pourquoi un tel engagement ? Faisons le tour de la question.

Évoquons trois raisons. La première touche à la doctrine.

Depuis le Concile Vatican II, l’église catholique défend le principe d’une « saine coopération » entre « la communauté politique et l’église » en vue du « bien de tous ».

Lors de la seconde assemblée spéciale pour l’Afrique organisée par Rome en 2009, Benoît XVI précise sans équivoque que la voix des évêques résonne « comme celle d’un veilleur sur la cité ». Et que leur parole prophétique est attendue « face aux problèmes politiques touchant aux consultations, aux élections, aux injustices, aux violations des droits de l’homme, etc. ».

Une deuxième raison touche à la communion des évêques d’Afrique avec le pape François. Celui-ci soutient clairement leur démarche. On le voit dans ses nominations. Lorsqu’il élève au titre de cardinal, le jeune évêque de Bangui, Mgr Dieudonné Nzapalainga, ce n’est pas d’abord pour ses qualités de théologien mais parce qu’il a un rôle au premier plan dans la crise centrafricaine.

Parmi les huit cardinaux qui composent son conseil, au Vatican, pour réformer le gouvernement de l’église (G8), qui choisit-il ? Mgr Laurent Mosengwo, la figure qui incarne en RDC l’opposition de l’église catholique à Joseph Kabila. La diplomatie du pape François est assurée par Mgr Paul Gallagher, l’ancien nonce apostolique en Tanzanie et au Burundi.

La troisième raison est plus prosaïque. Rome ne doit pas perdre l’Afrique, et surtout les plus jeunes qui souffrent de vivre dans tant de pays gangrénés par la corruption.

70 % des Subsahariens ont moins de 30 ans et l’Afrique est le continent où le nombre de catholiques augmente le plus chaque année : + 7,4 millions en 2015, quand l’Europe perd, elle, 1,3 million de catholiques.

Mais le développement de l’église est de plus en plus concurrencé par les évangéliques. Et sa mobilisation face aux pouvoirs politiques est surveillée de près par les jeunes qui aspirent à la démocratisation et qui ne la voient toujours pas advenir.

Cependant, cet engagement des églises dans le jeu politique ne touche pas tout le continent. Elles battent parfois en retraite quand le régime est trop menaçant, comme au Burundi. Soit elles partagent par intérêt le point de vue du pouvoir, comme ce fut le cas au Rwanda en 1994. Ou encore, elles se font discrètes quand, dans un pays musulman, elles représentent une minorité tolérée.

Laurent Larcher
La Croix Afrique

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