Quel avenir pour Jean-Marc Kabund wa Kabund ? Quel avenir pour l’UDPS ? Le parti n’a jamais été aussi puissant mais jamais non plus aussi sous tension.
Une algarade entre deux convois automobiles à Kinshasa. Un membre de la Garde républicaine (GR) molesté par des gendarmes. Une demeure saccagée par d’autres agents de la GR en représailles à l’arrestation de ce collègue. Pas banal. Encore moins quand on sait que les deux véhicules étaient ceux, respectivement, d’un membre de la famille présidentielle et du premier vice-président de l’Assemblée nationale et président a.i. de l’UDPS, le parti présidentiel.
« Si des membres de la GR sont intervenus chez Kabund, c’est qu’ils y ont été autorisés par leur patron », nous explique un député congolais pour qui « Ces hommes sont les fidèles parmi les fidèles, le bras du président. Il n’y a que lui qui peut les autoriser à frapper ».
« Ce week-end, le bureau de Kabund à l’Assemblée nationale a été vandalisée », ajoute un autre homme politique congolais qui insiste sur « le bras de fer entre Kabund et Tshilombo. Kabund s’est cru intouchable. Ce qu’il a fait subir à la nièce du président, c’est ce qu’il fait au quotidien avec tout le monde. Mais cette fois, surtout après le voyage du président dans sa province du Kasaï et les critiques qui lui ont été adressées par les siens qui considèrent que le pouvoir lui échappe, il ne pouvait laisser passer cette offense. La mise à sac de son domicile par les GR en est la preuve, la violation de son bureau à l’Assemblée nationale, ce sont ses adversaires politiques. La tension est palpable au sein de l’UDPS. Gérer le pouvoir n’est pas une mince affaire, encore moins quand on l’acquiert après un processus aussi frelaté. »
Un parti divisé, des critiques non entendues
Depuis l’intronisation de Kabund à la tête de l’UDPS en 2019, le torchon brûle entre Félix Tshisekedi et les tenants de la ligne politique et statutaire de l’UDPS/Etienne Tshisekedi. Pour ces « pionniers » qui ont accompagné le père du président pendant les décennies de « vaches maigres » et « de coups reçus », le « mandat spécial » accordé unilatéralement (loin de ce que prévoient les statuts du parti) par Félix Tshisekedi à Jean-Marc Kabund pour transformer le poste de secrétaire général en présidence par intérim est une offense à leur combat. En septembre dernier (2021), ils appelaient encore le président de la République à tout faire pour rentrer dans la légalité, exigeant l’installation d’un directoire comme le prévoit les statuts du parti et l’organisation d’un congrès extraordinaire pour désigner un nouveau président pour leur formation politique.
Les « pionniers » allaient même plus loin et demandaient au directoire une plainte devant le Conseil d’Etat contre les autorités ayant reconnu le mandat spécial illégitime.
La même ligne historique du parti, rejointe par d’autres voix de l’UDPS, explique encore aujourd’hui qu’après les années de lutte pour décrocher le pouvoir (dans les conditions que l’on connaît, NdlR) il est inacceptable qu’il se retrouve entre les mains de « pseudos experts rentrés au pays quand Félix a été installé à la présidence. Ces conseillers, venus de Paris ou Bruxelles, n’ont jamais participé à aucune des luttes du parti incarné par Etienne Tshisekedi », explique un membre de « l’UDPS/Limete », comme il se définit lui-même.
Aujourd’hui, pour les « pionniers » le départ de Kabund tant de l’Assemblée que du parti n’est qu’une première étape. La reprise en main par le président Tshisekedi et par le « vrai » parti passe également par l’éloignement de ces conseillers privés, tous ces conseillers.
La première dame chahutée
Car plusieurs voix au sein de l’UDPS se font entendre pour remettre en question le rôle et le poids de Denise Nyakeru, l’épouse du président. « Cette dame n’est ni la vice-présidente, ni la représentante du président. Elle est son épouse et n’a aucun pouvoir ni aucun mandat », précise un élu du parti présidentiel. « La première dame a pris trop ses aises. Elle a aussi imposé ses proches à tous les niveaux de pouvoir. C’est une privatisation inacceptable du pouvoir. Beaucoup de membres de l’UDPS sont très énervés par cette situation, bien plus encore que par les excès de Kabund. Lui, au moins, il faut lui reconnaître qu’il est vraiment du parti », poursuit-il.
La tension est donc plus que palpable dans les rangs du parti au pouvoir et ces événements des derniers jours font ressurgir tous les ressentiments.
Le président de la République va devoir prendre des décisions. Mais peut-il privilégier la ligne des « pionniers » fidèles à son père au détriment de ses conseillers ? Kabund, critiqué par « les pionniers » n’est pas un ami de ces conseillers. Sans oublier le clan de « la première dame ». Quatre axes, minimum, se dressent devant le président de la République. Si pas impossible, difficile de dégager une synthèse qui permettrait de ramener tout le monde à bord du véhicule présidentiel. Des divorces sont inévitables.
Réélection
A cette équation complexe vient se greffer une autre inconnue, le second mandat auquel le président de la République pense tous les jours en se rasant le matin, pour paraphraser le candidat à la présidentielle française Nicolas Sarkozy en 2007.
Comment gérer le parti originel, l’héritage familial (très centré sur une province et une ethnie) tout en cherchant à élargir sa base électorale ? Félix Tshisekedi songe à transformer l’Union Sacrée en une plateforme politique devant lui garantir un second mandat en 2023. Tous les élus de toutes les formations de cette plateforme devraient s’engager à soutenir la sa candidature. Dans ce scénario, l’UDPS sera diluée dans un ensemble peu seyant, voire carrément imbuvable, pour les membres de ce parti.
Même en ayant mis la main sur la Cour constitutionnelle, sur la présidence de la Commission électorale nationale indépendante et, dernièrement, sur le secrétariat général de cette Ceni, Félix Tshisekedi sait qu’il doit élargir sa base électorale pour au moins donner le change lors du scrutin à venir. Il sait donc que l’UDPS devra se contenter d’être un parti parmi les autres pour sa réélection. Le pouvoir passe par ce sabordage ou cette dilution qu’il sera compliqué de faire avaler à une base toujours indisciplinée.
Une base qui, en novembre 2018, après la désignation de Martin Fayulu comme candidat unique de l’opposition avait pourtant été suffisamment convaincante pour que Félix Tshisekedi et son compère d’alors Vital Kamerhe se parjurent et se lancent, à la tête de Cap pour le Changement (Cach) dans la course à la présidentielle.
Cette base assez puissante pour justifier tous les reniements il y a un peu plus de trois ans, peut-elle accepter de s’effacer demain pour le bien d’un homme ? Les paris sont ouverts…
La libre Afrique