Premier ministre sortant, Bruno Tshibala, continue à expédier les affaires courantes, en attendant l’investiture du gouvernement de son successeur, Ilunga Ilunkamba. Ce qui impose une marche à pas de tortue des affaires de l’Etat. Des voix s’élèvent désormais pour exiger le départ du Premier ministre sortant afin de débloquer l’appareil étatique. Tout ce qui reste de l’ancien Premier ministre, après que toutes les dispositions le nommant ont été abrogées, est de passer en urgence à la case « remise-reprise ». Il ne sert à rien de s’accrocher parce que le fonctionnement de l’Etat prend un coup.
Par décence et correction politique, la présence de Bruno Tshibala à la Primature ne se justifie plus après la nomination par ordonnance présidentielle du nouveau Premier ministre le prof Ilunga Ilunkamba. Si lui-même se complait dans cette posture inconfortable et honteuse, il appartient à celui qui a la charge de l’application de l’ordonnance présidentielle nommant son successeur d’activer les mécanismes qui le contraindront à quitter ce prestigieux poste. Il y va de l’intérêt supérieur de la nation.
L’alternance acquise en décembre 2018 ne s’accommode pas de ces pratiques qui prennent en otage toute la nation. Par élégance politique, l’ex-compagnon du défunt Etienne Tshisekedi devrait avoir l’élégance de quitter les choses avant que les choses ne le quittent, à cause du caractère irréversible de la marche vers une vraie alternance au pays. Aujourd’hui, Tshibala constitue, en lui-même, ce goulot d’étranglement qui empêche au pays de fonctionner malgré l’absence de gouvernement. Prendre prétexte sur le fait que le gouvernement Ilunga ne serait pas encore investi est une grosse escroquerie politique qui n’a plus droit de cité dans les circonstances exceptionnelles actuelles.
Ayant déjà un Premier ministre et un Parlement au complet, il est temps que les membres du gouvernement démissionnaires quittent réellement la gestion de la chose publique. La gestion des frais de fonctionnement et des retombées des dossiers juteux ne devraient pas justifier cette honteuse détermination de s’accrocher. Etant donné que Bruno Tshibala lui-même ainsi que ses ministres n’ont ni la légitimité encore moins la légalité nécessaire pour gérer les affaires de l’Etat, alors que le nouveau président négocie la mise en place du nouveau gouvernement dans un contexte d’alternance qui a décidé que la majorité parlementaire soit détenue par les partisans de l’ancien président. Le Premier ministre qui sort des rangs de cette majorité est dans l’obligation patriotique de prendre le contrôle des affaires de l’Etat.
L’investiture, un acte politique pas juridique
L’argument d’un passage préalable à l’Assemblée nationale par le Premier ministre, un acte éminemment politique, ne prive pas au nouveau locataire de la Primature de poser des actes de gestion. Ce qui permettrait de poursuivre dans la sérénité les discussions sur la mise en place du nouveau gouvernement, celui de l’alternance démocratique voulue par le peuple congolais et facilitée par l’ancien président Joseph Kabila.
Le Premier ministre Ilunga Ilunkamba, qui devrait se présenter au Parlement pour défendre le programme de son gouvernement et ainsi obtenir l’investiture de son équipe gouvernementale, aura le contrôle effectif des dossiers. Juridiquement, rien ne l’empêche de travailler parce que la formalité de la remise-reprise n’est pas supérieure à une ordonnance présidentielle régulièrement prise. « A situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle », dit-on. Le chef de l’Etat, qui avait demandé à Bruno Tshibala d’expédier les affaires courantes, ne serait que plus à l’aise de confier exceptionnellement cette mission à un Premier ministre nommé dans le strict respect de la Constitution. Le sortant n’a plus la lourde responsabilité de bien faire parce qu’il est sur le départ. Ce qui n’est pas le cas de l’entrant.
Un juridisme obsolète ne peut être d’application dans les circonstances exceptionnelles actuelles parce qu’il serait à la base des dysfonctionnements regrettables. Le Premier ministre, sans être le gouvernement, en demeure cependant le chef dont la démission fait tomber l’ensemble de l’équipe. Son entrée en fonction effective en amont de l’investiture facilitera énormément de choses et jettera les bases d’une confiance entre lui et le chef de l’Etat qui l’avait nommé. Dans le but de mettre le chef de l’Etat en position de bien faire les choses, la coalition politique FCC-CACH doit prendre ses responsabilités.
Mettre un terme à la saignée
L’autre raison est de mettre un terme à la saignée constatée dans la gestion des finances publiques. Le nouveau Premier ministre, qui sait qu’il sera contrôlé par le Parlement, ne favorisera pas de pratiques qui mettent à mal les finances de l’Etat tant dans sa phase de la mobilisation que celle de leurs affectations. Ce que font les ministres sortants ne peut rassurer tout esprit lucide, soucieux de préserver les intérêts de l’Etat.
Cette situation de rente de position qui arrange les membres du gouvernement Tshibala et l’ancien Premier ministre lui-même met en mal le principe de responsabilité dans la gouvernance moderne d’un Etat. Ils savent qu’ils ne sont pas l’émanation de cette Assemblée nationale parce qu’issus d’une réalité électorale passée. Le nouveau Parlement pourra donc suivre les actes de celui que les nouveaux élus pourront contrôler et non celui qui n’a d’autres voies que de quitter le gestion du gouvernement.
Avec des secrétaires généraux
Le Premier ministre pourra ainsi travailler directement avec les secrétaires généraux de l’administration publique, en assurant la coordination et l’orientation des actions vers ce que sera le programme de son gouvernement en harmonie avec le président de la République.
Ainsi, des laborieuses négociations en cours sur la formation du gouvernement de l’alternance devront viser à rassurer le peuple. Cette population a voté pour le changement à travers l’élection de Félix Tshisekedi comme président de la République. En même temps, cette population a imposé son tempo en donnant la majorité parlementaire aux partisans de l’ancien président Joseph Kabila. Ces derniers ont tout intérêt à se mettre dans le bain plutôt que de se complaire dans un statu quo qui ne favorise pas une responsabilisation réelle des acteurs gouvernementaux.
Le Potentiel