Dans son édition du 3 avril dernier, Forum des As écrivait : « Avec l’arrêt de la Cour constitutionnelle suspendue sur leurs têtes : députés nationaux et sénateurs au palais du peuple, la peur au ventre « . Le Journal ne croyait pas si bien dire les choses. Après près de deux mois, les écrits du quotidien de la 11ème rue Limete se sont avérés une véritable prophétie. Au stade actuel du traitement des dossiers, la Haute Cour a déjà disqualifié 14 membres de l’Assemblée nationale et 2 sénateurs.
Cependant, une source proche du dossier renseigne qu’au regard du nombre de dossiers en cours d’examen à la Chambre II de la Cour constitutionnelle, on pourrait atteindre un total de plus de vingt députés nationaux qui seront disqualifiés au profit de leurs adversaires. Comme pour dire, aussi longtemps que les Hauts magistrats n’auront pas encore rendu leurs arrêts sur les contentieux électoraux des législatives nationales du 30 décembre 2018, les députés nationaux concernés restent encore sur le-qui-vive. Un peu comme les « fameux animaux malades de la peste, mais qui ne mourraient pas tous », du célèbre fabuliste français Jean de la Fontaine.
LETHARGIE DE LA COUR
Après publication des résultats des élections législatives nationales, la Constitution accorde à la Haute Cour un délai de soixante jours, pour traiter tous les contentieux électoraux. Pour le cas de figure, les résultats définitifs des législatives du 30 décembre 2018, devraient en principe être publiés au plus tard fin février dernier. Hélas. Il se trouve qu’à ce jour, on ignore encore tout sur le nombre de députés nationaux définitivement élus. Et pour cause, la Cour constitutionnelle a très largement dépassé le délai constitutionnel qui lui est reconnu pour publier les résultats définitifs des législatives organisées fin décembre de l’année dernière.
Interrogé à ce sujet lundi dernier par la radio privée Top Congo Fm, Me Willy Wenga, avocat au Bareau de Kinshasa Gombe, a fustigé la léthargie constatée au niveau de la Cour constitutionnelle, dans le traitement des contentieux électoraux. « Le 8 juin, la Haute Cour aura dépassé de deux mois, son délai d’examen de plus de 1002 requêtes réceptionnées. Certes, il faut reconnaitre ici, qu’il y a beaucoup d’événements qui se sont succédé et qui n’ont pas permis à la de prononcer ses arrêts. Même si le délai de deux mois n’est pas assorti d’une sanction, quelque part, la Cour devrait prendre en considération le temps pour se dire, en définitive, qu’un mois de plus, c’est trop »,dit-il.
Concrètement donc, ce vendredi 8 juin, la Cour constitutionnelle va atteindre quatre mois dans le traitement des recours des candidats députés nationaux et sénateurs malheureux. Ce qui est un record jamais égalé dans l’histoire des élections en RD Congo. » Je pense que pour les esprits les plus avisés, c’est trop. Il va donc falloir que la Cour en termine. Au-delà du fait qu’on sent la fatigue de part et d’autre, la Haute cour ne doit plus continuer à tirer les choses en longueur. Et, beaucoup plus, il ne faudrait pas non plus que les Hauts magistrats se laisse distraire par de nouvelles actions qui sont introduites en récusation matérielles contre les arrêts déjà rendus « , a renchéri l’avocat du Barreau de Kinshasa Gombe.
Par ailleurs, Me Willy Wenga partage largement le point le vue de nombreux Congolais qui soutiennent que l’idéal aurait été que les très attendus arrêts de la Cour, soient rendus avant la clôture de la session parlementaire en cours, constitutionnellement prévue le 15 juin courant. Ceci a l’avantage que les membres des deux chambres du Parlement soient proclamés définitivement élus.
Même si la constitution du 18 février 2006, dispose en son article 103 que » le mandat de député national commence à la validation des pouvoirs par l’Assemblée nationale (..), le dernier mot revient à la Haute Cour, constitutionnellement investie de plein pouvoir de publier les résultats définitifs des élections présidentielle, législatives nationales et des sénatoriales.
EVITER D’ENTRETENIR DES TENSIONS COMME A BULUNGU
Autant les Congolais attendent désespérément l’avènement d’un nouveau Gouvernement, autant celui-ci devra présenter son programme devant un Parlement dont les membres ont été tous proclamés définitivement élus. Il va du prestige même de la Haute Cour et la République toute entière en tirerait grand parti. Malheureusement. Il se trouve, cependant, que la période d’attente des arrêts de la Cour constitutionnelle est caractérisée par des foyers de tension latente ou réelle dans certaines circonscriptions électorales. Principalement celles dont les candidats, proclamés provisoirement élus par la Commission électorale nationale indépendante (CENI), ont été attaqués au niveau de la Haute Cour.
La dernière manif en date a eu lieu le week-end dernier à Bulungu, dans la nouvelle province du Kwilu. Selon des sources concordantes, une bonne partie de la population de cette ville est descendue dans les rues, pour protester contre l’invalidation du mandat de leur candidat Justin Kangundu par la Cour constitutionnelle. Dans cette petite agglomération habitée par des ressortissants de deux ethnies majoritaires, à savoir les Yansi et les Mbala, les manifestants, visiblement fils Mbala, ne comprennent pas que celui qu’ils avaient élu en décembre dernier, soit disqualifié au profit d’une candidate Yansi.
Pour toutes les raisons avancées ci-dessus, plus les décisions de la Cour constitutionnelle trainent, plus elles perdent en crédibilité. Au-delà des considérations juridiques, on devrait également tenir compte des aspects purement sociaux. Le temps du suspense aggrave la charge émotionnelle des intéressés qui continuent à siéger, la peur au ventre, dans les deux chambres.
D’ores et déjà, des analystes estiment que la meilleure façon de faire les choses, consisterait à changer de procédure. Ils suggèrent que l’installation effective des deux chambres du Parlement intervienne après que la Cour constitutionnelle a rendu ses arrêts sur les résultats définitifs des législatives nationales ou des sénatoriales, selon le cas.
Grevisse Kabrel
Forum des As