A quelques heures de son retour en République démocratique du Congo, Moïse Katumbi a accepté de répondre à nos questions. L’homme apparaît serein et déterminé.

Votre retour au Congo n’est pas sans danger. Quelles motivations vous poussent à rentrer au Congo ? Votre retour ne va-t-il pas déclencher des scènes de violence ?

Je rentre comme fils du pays. Le Congo vit un moment historique avec des élections qui doivent conduire à la première alternance démocratique du pouvoir au sommet de l’Etat. Je compte bien participer à cette élection. C’est mon droit et mon devoir. Rien ne m’exclut du processus électoral. C’est l’histoire du pays qu’on est en train d’écrire. Je prends l’opinion nationale et internationale à témoin, ma seule ambition est d’apporter ma petite pierre à l’édifice pour qu’ensemble, avec tous les Congolais, on puisse redresser notre beau pays. J’ai une expérience, un programme, une vision que je veux partager avec tous mes compatriotes. Est-ce que tout le mal qu’on veut me reprocher est de vouloir apporter la paix et le développement à mon pays !? J’appelle la population à prier pour le Congo. Nous n’avons pas besoin de nouveaux conflits inutiles. Le Congo a besoin de la paix.

Qu’est-ce que vous comptez faire pour vous sortir de tous les dossiers dont on vous accuse ?

Ma lutte est une lutte pacifique et démocratique car ma cause est juste. Dans l’affaire immobilière, alors que le Procureur m’avait autorisé à aller me faire soigner, derrière moi, ils m’ont condamné par défaut. Je suis en appel dans cette affaire et cet appel est suspensif. Quant au dossier des pseudos mercenaires, le procureur a déjà saisi la cour suprême qui a renvoyé l’affaire en octobre faute d’éléments. Je serai sur place pour me défendre.

Mais ce qu’il faut retenir dans tout cela, c’est que les signataires de l’Accord du 31 décembre 2016 avaient demandé aux Evêques de mener leur enquête pour savoir de quoi étaient constitués tous les dossiers mis à ma charge. Les hommes d’Eglise ont accompli leur devoir. Ils sont allés à Lubumbashi, à Kinshasa, et même à l’étranger. Leurs recherches ont abouti à la conclusion que tous ces dossiers ont été montés contre moi pour m’empêcher de présenter ma candidature. Ce sont de pures fabrications. Dans leur rapport, ils qualifient purement et simplement tous ces dossiers de « mascarades » judiciaires. Ils ont demandé que soit mis fin à toutes ces poursuites qui n’ont ni queue ni tête. Ce rapport fait partie intégrante de l’Accord de la Saint Sylvestre. Il a été remis à monsieur Kabila et engage tous les signataires de l’Accord qui ont également demandé la libération de tous les prisonniers politiques comme Eugène Diomi, Jean-Claude Muyambo, Franck Diongo, Gecoco, et les jeunes activistes de Lucha et Filimbi. A titre personnel, j’ai jugé utile de saisir également les Nations Unies à Genève. Le Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme, au sein duquel siège la RDC en tant que membre, a écrit au gouvernement pour lui demander de me permettre de rentrer dans mon pays en toute sécurité afin d’y exercer mes droits politiques et de faire campagne.

La nationalité congolaise est une et exclusive. Or, on vous prête une autre nationalité. Ce qui vous rendrait inéligible. Qu’en est-il exactement de cette double nationalité ?

Il y a une quinzaine d’années, j’étais en exil. Quand les hommes du pouvoir sont venus me chercher pour que je rentre, étaient-ils venus chercher un Italien ou un Grec ? Je peux vous affirmer qu’ils sont bel et bien venus chercher un citoyen congolais qui vivait en exil ! Le pasteur Mulunda peut en témoigner. Je n’avais pas toutes les nationalités qu’on m’attribue aujourd’hui pour m’empêcher de me présenter à l’élection présidentielle. Dès que j’ai fait acte de candidature, ils ont soulevé cette histoire qui est, elle aussi, une véritable farce.

Et s’ils avaient jamais eu le moindre doute, il faut se poser la question de savoir pourquoi lorsque j’étais avec eux, ils n’avaient jamais eu le courage de m’interroger. Leur attitude relève de la bassesse et de lâcheté. Quand je les regardais en face, ils ne sortaient pas toutes ces accusations. C’est vraiment triste. Moi, j’ai besoin que mon pays retrouve la paix et les Congolais la joie de vivre. Voilà pourquoi j’ai décidé de rentrer au pays. Je pense que vous avez entendu mon avocat s’exprimer sur cette question la semaine dernière. Les choses sont claires pour ceux qui avaient encore des doutes.

Avec toutes les menaces qui pèsent sur vous, avez-vous peur de rentrer maintenant ?

Je n’ai pas peur. Je ne suis ni au-dessus ni en dessous des lois. Dans un Etat de droit, je ne devrais rien craindre. S’il doit m’arriver quelque chose, le monde entier comprendra que je suis victime d’un acharnement et de l’arbitraire. Le Congo est mon pays. C’est le pays de ma mère, de mes ancêtres, le pays qui m’a vu naître.

Que vous inspire le retour de Jean-Pierre Bemba ?

Avant toute chose, je souhaite un bon retour à mon frère Jean-Pierre Bemba. Que Dieu puisse le protéger. A mes yeux, le plus important est que chaque enfant du pays puisse apporter sa contribution dans l’écriture du récit national et donner le meilleur de lui-même pour le Congo. Nous devons travailler tous ensemble. Il ne faut pas créer des lois et des règles personnelles pour écarter des gens. C’est cela ruiner le pays et détruire l’unité nationale acquise par nos pères. Dès lors qu’on veut exclure un Congolais et le priver de ses droits, c’est trahir la Nation.

Le pouvoir cherche à tout prix à vous rendre inéligible. Pourquoi ?

Le pouvoir a peur des hommes qui sont populaires. Ils ont eu dix-sept ans pour améliorer le vécu quotidien des Congolais. Maintenant, ils n’ont ni bilan à présenter ni personnalité crédible pour convaincre le peuple congolais qu’ils ont appauvri et affamé. Pour tous, l’heure du verdict a sonné. Ils ne peuvent qu’interdire aux hommes populaires qui incarnent l’espoir de se présenter. Et aux Congolais qui doivent voter de les remplacer par des machines programmées à l’avance par eux. Interdire à quelqu’un de participer à une élection est une trahison. Pour le peuple congolais qui m’a tant porté tout au long de ma vie et qui compte sur moi, je dois me présenter. Ne pas le faire serait trahir l’espoir placé par des millions de compatriotes en ma personne. Aujourd’hui, qu’il soit bien compris que j’appartiens d’abord et avant tout à la grande famille congolaise de toutes les provinces. Quels que soient les barrières et les obstacles dressés sur mon chemin, je serai le 3 août prochain à Lubumbashi. Je porterai un habit blanc en signe de paix et d’unité. Je demande à la population qui viendra m’accueillir de porter elle aussi un bout d’étoffe blanche. Je reviens pour la paix et en portant un projet d’espoir pour le peuple congolais.

Même pas un peu de colère pour ceux qui vous cherchent des ennuis ?

La colère n’est pas un sentiment que je cultive. Et je ne suis pas Dieu pour juger. Au contraire, j’ai toujours demandé quand je fais ma prière que mes adversaires ou mes ennemis puissent être atteints eux aussi par cette grâce du pardon.

Des envies de revanche si vous arrivez au pouvoir ?

La revanche appartient aux insensés. Le passé c’est le passé. Ce qui est important pour nous c’est l’unité et l’avenir. Notre patrimoine commun c’est la RDCongo. Nous devons reconstruire notre pays dans l’amour et dans la paix.

La Libre Afrique/MCP

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