Un double album en trois parties, tel est le concept du nouveau disque de Maitre Gims, leader du groupe Sexion D’Assaut (dont le projet Le Retour des Rois semble plus que jamais compromis). Pour résumer : trois doubles CDs (Première Dan, Deuxième Dan et Troisième Dan) contenants chacun les mêmes 31 morceaux plus trois titres bonus différents, soit en tout 40 chansons et presque autant de hits potentiels. Revue de détail.

Gims n’a pas lésiné sur les moyens ni sur les featurings, prestigieux et jamais anecdotiques : Sofiane, en grande forme, illumine Loup Garou avec dès ses premières rimes une hypallage (inversion de deux termes pour créer la surprise ou le choc) de toute beauté (« On va fumer du porc, on va manger du shit »), le genre de petite astuce qui génère des tonnes de commentaires et d’explications sur le site Genius.com.

Orelsan, qui « petit à petit essaie d’intégrer la Sexion D’Assaut », comme il le proclamait dans un tweet comique annonçant ses duos avec Lefa et Gims, livre un impeccable couplet sur La Nuit c’est fait pour dormir tandis que le Louisianais Lil Wayne crée la surprise en apparaissant sur le remix de Corazon.

Sont également présents H Magnum (qui en plus coécrit certains textes), Vianney pour l’insolite duo La même, Super Sako & Hayko (Mi Gna), les frères de Gims, Dadju et Bedjik (Tu ne le vois pas, Tu m’as dit), Quincy (Caméléon) et MHD (Appelez la police).

La recette ne change pas : des morceaux très mélodieux destinés au grand public et aux radios généralistes comme Tu reviendras et T’es partie, d’autres où Gims kicke des rimes à grande vitesse, gage de sa virtuosité rapologique toujours virulente.

L’équipe est elle aussi peu ou prou la même que sur les précédents projets du Maitre : Renaud Rebillaud réalise la majorité des morceaux, avec pas très loin derrière Bugatti Beatz (dédicacé dans Anakin), qui signe neuf sons parmi lesquels Tu ne le vois pas et Ana Fi Dar, plus Dany Synthé et Sofly & Nius.

Egotrip

L’artiste aux lunettes mercure fait référence en creux à son ancien métier d’agent d’entretien à Eurodisney dans Anakin où il raconte que désormais, il dine avec le boss du fameux parc d’attractions Gilles Pelisson (devenu Pelissavon dans la rime en javanais), assumant avec délectation (et un poil de provocation) son statut de vedette (« J’peux pas rester trop tard, tu sais ce que c’est, les stars » dans Fuego).

Gims n’hésite pas à caler de nombreuses autres phases egotrip dans ses compositions (« Je suis gaulé comme un étalon » ou « Dégagez le passage, voilà Gustavo », référence à Gustavo Gaviria du cartel de Medellin, ou à Gustavo Fring de la série culte Breaking Bad). Ce qui ne l’empêche pas de dédicacer ses ainés et ses pairs, de NTM (référence à La Fièvre dans Appelez la police) à PNL (dans Loup Garou).

On notera une utilisation importante des rythmes africains, de la rumba congolaise à l’afrobeat, mais aussi orientaux (Mi Gna). Cette richesse rythmique fait la différence avec nombre des confrères de Gims, qui se cantonnent trop souvent à une trap formatée en guise de béquille. Car s’il y a un secret à la popularité de Maitre Gims, c’est bien cette culture musicale, cet éclectisme qui lui permet de surfer sur plusieurs styles.

Ultime audace, le rappeur français s’essaie à la langue de Lil Wayne (ou de Shakespeare, c’est selon) sur son duo avec l’Américain surtatoué, prologue à un prochain disque en anglais destiné au marché US. Bien sûr, il y a des  » fillers » (titres de remplissage) dans cette livraison pléthorique, mais on reste impressionné par la puissance de feu de cette Ceinture Noire, épicentre d’une gigantesque tournée de 44 dates, le Fuego Tour, dont le point d’orgue sera un concert au Stade de France programmé le 28 septembre 2019 qui fera de Gims le second artiste noir français à jouer dans cette immense arène, après Yannick Noah en 2010.

RFI / MCN

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