Pour nombre d’observateurs, les considérations sociologiques, géopolitiques et sentimentales passeraient avant le mot d’ordre de la puissante organisation de l’Eglise catholique rd congolaise.

C’est suffisamment rare pour être souligné. Effet Fatshi ? Les Congolais enregistrent des sons de cloche discordants au sein de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO). Après l’élection confirmée du nouveau Chef de l’Etat Félix Antoine Tshisekedi, les évêques de la RD Congo semblent ne plus émettre d’une même voix. Bien au contraire. Les princes de l’Eglise catholique donnent l’impression d’éclater en deux blocs. D’un côté, les évêques de l’Ouest. De l’autre, ceux du Centre. Pour preuve, les différentes réactions contradictoires à l’élection de Fatshi.

Dans un message rendu public le 26 janvier au chef-lieu de la province du Kasaï central, les évêques de la province apostolique de Kananga, donc l’espace Grand Kasaïen, membres de l’ASSEPKA, ont salué l’élection de Félix Tshisekedi comme président de la RDC. Ce faisant, ils se sont démarqués de la position de l’Episcopat de l’Eglise catholique qui n’a de cesse de réclamer la vérité des urnes !

 » Nous bénissons Dieu pour le nouveau Président de notre pays, monsieur Félix Tshisekedi Tshilombo « , écrivent les sept des huit évêques du Grand Kasaï, fief sociologique du nouveau Chef de l’Etat de la RDCongo.Ce n’est pas tout.  » Nous remercions Dieu aussi pour la première alternance pacifique et démocratique au sommet de l’État par la voie des urnes « , obtenue le 30 décembre 2018, marquant le début des « temps nouveaux ? en RDC », poursuivent les signataires du message.

Dans leur communiqué, les évêques de l’espace Grand Kasaï insistent :  » Dans ce Congo nouveau, l’Église ne sera jamais ni distraite ni partisane « . Les prélats du Grand Kasaï font savoir par ailleurs, que  » cette première alternance pacifique et démocratique  » est  » une opportunité unique  » pour que  » chacun de nous entre dans une nouvelle culture politique « .

Pour ces prélats du Grand Kasaï, l’avènement de Félix Tshisekedi « se veut aussi une étape dans la réalisation du rêve de la démocratie et du progrès social de tout le peuple congolais « .

Cette position tranche nettement avec celle de l’épiscopat de l’Eglise catholique basé à Kinshasa qui, quelques heures seulement après la publication, le 10 janvier des résultats provisoires de la présidentielle,avait considéré que ceux-ci n’étaient pas conformes aux données récoltées par ses « 40.000 observateurs » dans les différents bureaux de vote.

Malgré la confirmation des résultats par la Cour constitutionnelle, la Conférence épiscopale nationale du Congo persiste qu’ils ne correspondent pas aux données qu’elle a collectées à travers différents Centres de dépouillement et de compilation des résultats. L’archevêque de Kinshasa, Mgr Fridolin Ambongo l’a redit au cours de l’interview qu’il a accordée le 22 janvier à France 24. Le successeur du Cardinal Laurent Monsengwo n’a pas été vu à la cérémonie d’investiture du cinquième Président de la République.  » Une invitation n’est pas une convocation. Ce serait comme nous renier nous-mêmes « , avait-t-il répondu deux jours plus tôt à une question de France 24.

Réagissant à cette posture de ses paires d’Eglise, Mgr Gérard Mulumba, évêque émérite du diocèse de Mweka dans le Kasaï et oncle paternel de Félix Tshisekedi avait eu cette réplique :  » la Cenco est allée trop loin « . C’est tout dire et même tout comprendre.
Même si, renseignement pris, l’abbé Georges Kalenga, 2ème Secrétaire général adjoint de la Conférence Episcopale Nationale du Congo, avait pris part comme délégué de celle-ci à la cérémonie d’investiture de Félix Tshisekedi, le 24 janvier, on note que le cas Fatshi divise la CENCO. Les considérations sociologiques, géopolitiques et sentimentales gênent l’organisation de l’Eglise catholique quant à son homogénéité, sa cohérence voire sa cohésion par rapport à la situation actuelle. La structure de la CENCO dans le Kasaï n’a pas attendu que celle de Kinshasa (niveau national) dicte la conduite à adopter pour qu’elle salue, sans nuance, l’avènement de Fatshi. En un mot comme en mille, les considérations sociologiques viennent avant le mot d’ordre de la CENCO.

L’HONNEUR DE L’EGLISE AVANT TOUT

A plus d’un égard, cette cacophonie aux allures d’une querelle de chapelle, ne participe pas au prestige de l’Eglise, comme Magistère. La politique ou plus exactement les acteurs politiques se succèdent et passent. Mais l’Eglise demeure. Et, espérons qu’elle demeurera toujours, tant que rien ne présage un changement de la doctrine. De ce point de vue, nombre d’analystes se recrutant parmi les fervents fidèles catholiques, estiment que l’Eglise du Congo ferait œuvre utile en se tenant très à distance des intrigues politiques voire politiciennes.

Il est vrai que dans sa mission, l’Eglise a la lourde responsabilité de veiller à la justice sociale et dénoncer les inégalités. Cependant, d’aucuns pensent les avis opposés des évêques sur un sujet d’intérêt national, ne doivent sous aucun prétexte, être étalés sur la place publique. Parce que la Cenco fait corps, des observateurs se convainquent, non sans raison, que toute prise de position bénéficie du sceau de l’inopposabilité et que, par conséquent, devrait engager tous les membres de la Conférence. Ce serait alors une formule du genre :  » la Cenco a dit « . Moralité, aucun autre évêque ne devrait aller à contre-courant ou prendre le contrepied de la déclaration qui engage toute l’Eglise, quand bien même celle-ci n’aurait pas contenté tout le monde, pour des raisons évidentes. Vivement l’unicité de l’Eglise, corps du Christ !

Didier KEBONGO

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