En RD Congo, la dernière semaine du mois de juillet, aura été particulièrement marquée par la montée de la violence, dans l’Est du pays, contre la Mission des Nations unies pour la stabilité au Congo (MONUSCO). Après les manifs populaires des lundi et mardi derniers à Goma, Butembo et à Lubero, trois grandes villes de la province du Nord-Kivu, un vent de soulèvement a soufflé hier mercredi 27 juillet à Uvira, deuxième agglomération du Sud-Kivu voisin.

«Dans la matinée, un groupe de jeunes a tenté d’assiéger le Quartier général de la Monusco à Uvira. Aussitôt alertés, des éléments de la Police nationale congolaise (PNC) dépêchés sur place, ont usé des tirs de sommation pour disperser les manifestants», explique M. Dominique Kalonzo du service de communication de la mairie d’Uvira, contacté par l’Agence France Presse (AFP).

Selon la source, les manifestants ont été mis en débandade vers Kilomoni, à quelque 100 mètres du QG de la Monusco. Cependant, un câble électrique haute tension touché par balles, est tombé sur quatre manifestants qui ont péri par électrocution. « Les manifestants ayant été dispersés, un calme relatif a été observé dans la ville« , explique à notre consœur, M. Adrien Byadunia, président de l’Ong Nouvelle société civile d’Uvira.

Il faut souligner que dans toutes les différentes villes de l’Est de la RD Congo où sont observées toutes ces scènes de violence, les manifestants ne jurent que par le départ immédiat des soldats de la paix. Ils les accusent d’inefficacité dans la traque d’une centaine de groupes armés locaux et étrangers, auteurs de carnages répétitifs de plusieurs centaines de milliers de civiles depuis près de trois décennies.

On rappelle que lundi 25 et mardi 26 juillet, les bases logistiques de la Monusco à Goma, Butembo et à Lubero ont été prises pour cibles de violentes manifestations populaires assorties de scènes de pillages et de destruction méchante.

A Butembo précisément, en plus d’importantes pertes matérielles, le bilan officiel de la manifestation fait état de deux soldats indiens et d’un Marocain tués dans les rangs des Casques bleus.

Par contre, du côté des manifestants, sept personnes ont trouvé la mort et plusieurs autres ont été blessées et conduites dans différentes structures sanitaires locales pour des soins.

QUID DE L’APRES-MONUSCO?

Peu importe ce que pourrait être, la pertinence des raisons avancées pour réclamer le départ de la Monusco, rien ne justifie cependant, l’usage de la violence qui accompagne cette requête populaire.

Evidemment, les Congolais n’ont pas tous une même lecture de la présence depuis 1999, de cette mission onusienne sur leur territoire.

A l’évidence, les populations de l’Est, du Nord-est de la RD Congo, considérés non sans raison comme le ventre mou du pays, ne perçoivent pas de la même manière, cette présence des Casques bleus, comme leurs compatriotes du Centre, du Sud ou de l’Ouest. Vingt-deux ans en RD Congo, la Monusco ne doit dont pas être considérée comme une mission ad vitam aeternam. Ce, pour plusieurs raisons. La première, c’est que nombre de Congolais jugent les résultats de l’action de cette Mission onusienne, bien en-deçà des attentes générales des populations martyres. En l’occurrence, celles de l’Est et du Nord-est du pays qui, pendant près de trois décennies, dorment sans aucune certitude de se réveiller ou, inversement, se réveillent sans la moindre certitude de passer une journée paisible.

Une autre raison avancée par les partisans de la thèse populaire du départ de la Monusco, est le budget annuel de cette Mission, évaluée à près d’un milliard de dollars américains. Enorme, dans un pays comme la RD Congo où les recettes et dépenses de l’Etat n’ont jamais dépassé 10 milliards de dollars américains.

Cependant, après qu’on a dénoncé ou déploré tout cela, une évidence s’invite au débat. La vérité est qu’au-delà de sa mission première de lutter pour la stabilité au Congo, la Monusco est également considéré comme un service logistique pour le pays. Le dire en ces termes, ce n’est rien dire à la fois, tant tous les dirigeants du pays le savent. Y compris les populations. Particulièrement celles de l’Est et du Nord-est où la présence de la Mission onusienne motive les violentes manifs populaires de ces derniers jours.

Secret de polichinelle, dans un pays –continent comme la RD Congo, existe des coins du territoire que seuls les moyens de transport onusiens peuvent facilement atteindre. Les dirigeants du pays ne l’ignorent donc pas. A titre d’exemple, lors de trois précédents cycles électoraux (2006, 2011 et 2018), la Monusco a été sollicitée pour le transport des kits. Autrement dit, n’eussent été ces soldats onusiens qui ont offert leurs moyens de transport à l’Etat congolais, le vote n’aurait sans doute pas eu lieu dans la plupart des circonscriptions se l’arrière-pays, faute de voie d’accès. Pareil pour les épreuves de l’Examen d’Etat où la Monuc aide l’Etat congolais à transporter des malles d’items à destination des centres lointains, difficilement accessibles.

Au regard du sentiment anti-Monusco ambiant et qui a l’air d’une dynamique populaire dans l’Est du pays, une question de bon sens s’invite à la réflexion. Les Casques bleus vont certes partir, dès lors qu’ils ne devront pas s’éterniser sur le sol congolais. Et après ? S’est-on suffisamment préparé pour relever le défi, là où la Mission onusienne a pallié nos insuffisances logistiques ? Outre l’aspect logistique strictu sensu, il y a également la dimension défense du territoire. Le départ tant réclamé de la Monusco, entraînera inévitablement un vide à quelques endroits où les éléments des forces de défense du pays sont quasiment absents. Par conséquent, une fois les Casques bleus partis, l’Etat congolais devra impérativement penser à une nouvelle politique de redéploiement de l’armée. C’est-à-dire, le maillage militaire du territoire. Y a-t-on pensé?

Pour toutes ces raisons, nombre d’analystes et d’observateurs invitent les autorités congolaises à anticiper l’’Après-départ de la Monusco. «Gouverner, c’est prévoir ; et ne rien prévoir, c’est courir à sa perte», conseille Emile de Girardin.

Grevisse KABREL
Forum des as

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