Pour élucider toutes les zones d’ombre dans l’affaire des tortures cruelles auxquelles a été soumis Olivier Mpunga, fils unique de sa mère, la Cour militaire de la Gombe a poursuivi hier jeudi 23 décembre 2021, l’instruction de ce procès médiatisé à souhait. De l’ambiance qui a régné toute la journée d’hier, l’on peut retenir des sueurs froides pour les prévenus, l’émotion vive pour les personnes venues assister à l’audience, ainsi que des pleurs pour les membres de famille de la victime présents dans le prétoire de la Haute Cour Militaire.

Qui pouvait résister aux cruelles scènes de tortures montrant le prévenu Mpunga qui, arrivé à la police avec une tenue décente, un t-shirt de couleur jaune et un pantalon jeans bleu délavé, est passé par plusieurs séances de tortures d’une cruauté insupportable, avant de se retrouver dévêtu comme un vulgaire criminel ? Debout pendant un interrogatoire musclé, le jeune homme avait les deux bras étirés vers la colonne vertébrale. Et malgré ses supplications alternant avec tout ce qu’il connait de cette affaire de voiture de Marcel Ikamba, il recevait par la suite de violents coups de poings au visage, sur la poitrine et des coups de pieds aux jambes. Sa version des faits ne semblait pas satisfaire ses bourreaux à qui les membres de la composition ont rappelé la loi sur l’abolition de la torture. Et surtout aux officiers de la police censés respecter toutes les lois du pays.

Avec désinvolture, l’un des policiers dira sans ambages que l’OPJ Nzita leur avait ordonné de «grimacer» le prévenu pour qu’il avoue ses torts. Pour des grimaces, il s’agissait plutôt de traitements cruels et dégradants ayant entrainé mort d’homme. Les autres images ayant défilé par vidéo-projection sur un mur de la salle d’audience, montraient Olivier Mpunga étalé sur le sol, sur le côté gauche, bras et pieds ligotés, pendant que ses tortionnaires usaient d’une brutalité bestiale. L’un lui administrait des coups de bâtons aux pieds. Et pour faire davantage mal, l’autre bourreau broyait les membres inférieurs de leur victime qui a pleuré sans susciter la pitié des policiers.

Chagrinés par autant de scènes de tortures dignes de gêoles de prisons staliniennes et ne pouvant supporter la douleur, des membres de famille d’Olivier Mpunga ont sangloté et pour ne pas indisposer les autres personnes dans le prétoire, sont allés se réconforter dehors. On a entendu dès cet instant un message fuser dans la salle : « Qu’ils meurent en prison ! ». Cette invitation adressée aux membres de la Cour Militaire a été réitérée plus tard par les avocats de la partie civile qui, par leurs questions posées aux prévenus, ont apporté de l’eau aux moulins des juges de la Cour.

Un film d’horreur que les membres de famille de Mpunga n’ont pas pu supporter

L’instruction préliminaire a débouché ensuite sur les méthodes pratiquées dans cette unité de la police. Si le commissaire divisionnaire Awashango, responsable, a parlé de l’organisation ordinaire et du fonctionnement normal de ses services, ses collaborateurs, actuellement entendus à la Cour militaire, ont épinglé quelques dysfonctionnements allant de l’exécution de certaines plaintes sans respecter la procédure légale. Des plaintes reçues au téléphone non consignées dans le cahier du courrier, des prévenus écroués à l’amigo sans aucune trace dans le registre d’écrous, et des ordres qui venaient des officiers supérieurs que les hommes de troupes bafouaient.

Olivier Mpunga se serait-il suicidé par pendaison ? Cette thèse, soutenue par la défense, ne tenait pas la route à la lumière de tortures cruelles inhumaines et dégradantes subies. Et quand l’affaire a éclaté, Marcel Ikamba informé, les responsables de la police alertés, les autorités judiciaires mises au parfum de ce crime, le commissaire divisionnaire Awashango, très en colère, a ordonné que tous les policiers, cadres et agents, impliqués dans la mort de ce jeune homme, soient consignés au bureau. Pas d’entrée ni de sortie. Comme la panique avait gagné toute cette unité, les uns et les autres ont déserté les bureaux, aussitôt que la Police technique et scientifique a terminé son travail. Dans le souci de poursuivre ses enquêtes, le magistrat instructeur a ordonné la levée du corps d’Olivier Mpunga pour la morgue de l’Hôpital général de référence de Kinshasa, en requérant le médecin-légiste pour déterminer les causes exactes de la mort de la victime.

La Cour militaire s’est intéressée également au rôle de chaque bourreau d’Olivier Mpunga. L’OPJ Nzita qui a donné l’ordre de torturer ou de grimacer la victime, selon sa propre expression, a balbutié pour dire qu’il n’était pas là et ignore les tortionnaires. Pourtant, une partie de tortures s’est déroulée dans son bureau qu’il n’a pas nié. «Quand on m’a apporté le prévenu ligoté», a-t-il fait savoir avant de s’innocenter en ordonnant qu’on le libère. Dans cette volonté de faire davantage mal à la victime et justifier probablement la « prime » reçue du plaignant, les scènes de tortures ont été filmées à l’aide d’un téléphone et les images balancées dans les réseaux sociaux.

Et c’est grâce aux arrêts sur image que les visages de tortionnaires ont été identifiés et les bourreaux reconnus. Une question embarrassante a été posée aux prévenus, celle de savoir qui sont les deux policiers parmi les auteurs de tortures. Etant donné que les prévenus ne les ont pas reconnus, la Cour militaire ne s’est pas expliqué comment dans un service de renseignements, l’on pouvait recevoir des personnes extérieures au service sans les ficher. Et comment ont-ils pu faire partie des tortionnaires à la police ? Parmi ces deux intrus, n’y aurait-il pas eu le policier garde du corps du plaignant Marcel Ikamba ?

Quant aux relations qui existent entre le fameux Marcel Ikamba et les cadres de cette unité de la police, l’audition des prévenus a révélé tour à tour qu’il avait été arrêté à l’époque pour une affaire de faux documents de voyage. Libéré, il est devenu ami à certains officiers de cette unité. D’où ce lien particulier qui a abouti à une plainte contre Olivier Mpunga pour vente d’une voiture que l’on a retrouvée peu après à Kimpwanza à la place dénommée « Mombonda ya Gecamines.

On a également entendu qu’un élément de la Légion nationale d’intervention, arrêté pour violation des consignes et consommation de chanvre, a été libéré quand s’est ébruitée l’affaire de la découverte d’un cas de suicide par pendaison au cachot de la police. Il en est de même des bulletins de service qui ne sont établis que pour des cas particuliers, alors que généralement certaines missions se déroulent de manière informelle.

Aujourd’hui, la Cour militaire de la Gombe poursuit l’instruction de cette affaire qui chemine lentement et sûrement vers l’audience tant attendue, celle du réquisitoire et des plaidoiries des avocats.

Le Phare

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