Moïse Katumbi et Jean-Pierre Bemba ont confirmé qu’ils allaient rentrer en RDC et seraient candidats. Kabila, lui, cache toujours son jeu

C’est à partir de ce mercredi 25 juillet et jusqu’au 8 août que les candidats à la présidentielle en République démocratique du Congo peuvent déposer leur candidature.

Premier constat : l’opposition a été incapable de s’entendre sur le nom d’un candidat unique face au représentant du pouvoir. Un vœu pieu qui n’a jamais fait l’unanimité. Dans les rangs de l’UDPS, parti de feu Etienne Tshisekedi, il n’a jamais été question de ne pas présenter un candidat à la magistrature suprême. Jean-Marc Kabund, le secrétaire général du parti, l’a toujours martelé même au plus fort de la lune de miel entre son chef de file Félix Tshisekedi, devenu le président de son parti, et le leader du mouvement Ensemble, l’ex-gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi.

Martin Fayulu, le chef de file de la Dynamique, a été le premier à annoncer qu’il serait candidat et l’homme n’est jamais revenu sur son engagement; quant à Vital Kamerhe, le patron de l’Union des nationalistes congolais (UNC), sorti troisième des urnes en 2011 derrière le duo Etienne Tshisekedi – Joseph Kabila, il n’a jamais vraiment envisagé de se ranger derrière une autre candidature. Reste, évidemment, les cas de Moïse Katumbi et de Jean-Pierre Bemba. L’ancien gouverneur de la province du Katanga, devenu le pire ennemi de Joseph Kabila, a été le premier à dénoncer la volonté de l’actuel président de se maintenir au pouvoir, le 23 décembre 2014, dans un discours improvisé dans le centre de sa ville de Lubumbashi. Un discours considéré comme une véritable déclaration de guerre par le clan Kabila. Depuis cette sortie, Katumbi a démissionné de son poste de gouverneur, doit faire face à diverses actions en justice et vit en exil en Europe.

Pas de quoi démonter le businessman qui a construit patiemment sa réponse et s’est mis en ordre de bataille pour les échéances électorales à venir. En lançant sa plateforme “Ensemble” au mois de mars dernier depuis l’Afrique du Sud, l’ex-gouverneur, donné largement en tête des rares sondages sérieux en RDC, a conforté sa place de premier adversaire de Joseph Kabila. Il a annoncé qu’il serait candidat et qu’il rentrerait au pays d’ici le 8 août pour déposer sa candidature. Outre sa popularité dans le grand Katanga, Moïse Katumbi peut se prévaloir d’une vraie popularité sur l’ensemble du territoire congolais, notamment au travers de son Tout-Puissant Mazembe, premier club de football du pays et un des premiers sur le continent africain.

L’énigme Bemba

Reste, évidemment, l’énigme Jean-Pierre Bemba. L’ex-vice président congolais vient de sortir des geôles de la Cour pénale internationale après dix années passées en détention provisoire et après avoir été acquitté des chefs de crime contre l’humanité et crime de guerre qui pesaient sur lui. Jean-Pierre Bemba est toujours sous la menace d’une autre procédure judiciaire devant la CPI pour subornation de témoins. Le jugement dans ce procès en appel était attendu le 4 juillet mais a été reporté sine die. Le parquet réclame une peine de cinq ans de prison, une solide épée de Damoclès au-dessus de la tête de ce colosse qui a trouvé refuge à Rhode-St-Genèse dans la banlieue bruxelloise en attendant son retour annoncé pour le 1er août prochain, à Kinshasa.

Ce mardi, Bemba a annoncé qu’il était favorable à une candidature unique de l’opposition. “On n’a pas beaucoup de temps. J’espère rentrer au pays d’ici au 1er août. J’espère rencontrer les opposants. Nous n’avons pas le droit pour ce pays et pour ce peuple de nous diviser”, <une proposition bien tardive.

Deuxième constat : la majorité présidentielle ne connaît toujours pas le nom de son candidat. Joseph Kabila, président hors mandat depuis le mois de décembre 2016 et la fin constitutionnelle de son second mandat, ne s’est toujours pas prononcé sur son éventuelle candidature. Joseph Kabila est à la tête de la RDC depuis janvier 2001 quand il a succédé à son père assassiné. Après une période de transition, il a été élu en 2006 et réélu en 2011 lors d’un scrutin particulièrement contesté. La Constitution congolaise, qu’il a promulguée lui-même en 2006, n’autorise que deux mandats successifs de 5 ans à la tête du pays. En janvier 2015, le clan Kabila a tenté de modifier cette Constitution, entraînant des violences particulièrement meurtrières à Kinshasa.

Depuis, s’il n’a plus tenté d’amender ce texte, Kabila a profondément revu la composition de la Cour constitutionnelle qui aura à trancher d’éventuelles questions de recevabilité des candidatures à la présidentielle.

Dans les rangs de la “Kabilie”, certains évoquent la possibilité d’une nouvelle candidature de “leur” président qui justifierait ce retour devant les électeurs par le fait que le mode de scrutin de la présidentielle a été modifié dans la Constitution entre 2006 et 2011, passant de deux à un tour. Les défenseurs de la pensée kabiliste estiment donc que leur champion n’aurait fait qu’un mandat après la révision de la Constitution, ce qui l’autoriserait à concourir à nouveau. Ses adversaires crient à la trahison et expliquent que le mode de scrutin n’a pas été modifié puisqu’il s’agit toujours d’un scrutin au suffrage universel.

Les modalités du scrutin ne font pas l’unanimité

Depuis des mois, Joseph Kabila refuse de se prononcer sur son avenir, répétant à l’envi qu’il respectera la Constitution. “C’est ce qu’il a dit à ses voisins, sans en dire plus, explique un ministre de la région. On n’a donc pas le droit de douter de lui. Mais la plupart de ses voisins lui ont conseillé de ne pas tenter le diable et de ne pas se représenter, nous espérons que nous avons tous bien compris les messages des uns et des autres.”

Troisième constat, les modalités du scrutin ne font toujours pas l’unanimité. La Commission électorale nationale indépendante (Ceni) chargée de l’organisation du scrutin veut imposer une machine à voter, non prévue dans le calendrier électoral. L’opposition, unanime, n’en veut pas. Elle exige également le nettoyage du fichier électoral qui comporte plus de sept millions d’électeurs qui ont été “mal” enregistrés et dont on ne dispose pas des données biométriques. Ce chiffre a été révélé par les experts de l’Organisation internationale de la francophonie qui ont eu à se pencher sur ce fichier. La Ceni ne veut rien entendre et met en garde contre un nouveau report du scrutin si on devait revoir le fichier ou l’utilisation de la machine à voter. L’opposition est aussi unanime pour refuser une candidature de Joseph Kabila, tandis que certains mouvements citoyens appellent à la désobéissance civile en cas de candidature de Joseph Kabila.

La Libre Afrique/MCN

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