Dans une crise d’urticaire encore sans issue sur le consensus électoral se mêlent brutalement attaques et hostilités des militants de bords politiques, déconfiture des confessions religieuses, retour à la loi controversée sur la Congolité, polémique autour de l’intervention des armées étrangères à l’Est…

Il faut craindre une déflagration dans le contexte actuel de l’évolution politique de la République démocratique du Congo. Plus personne ne fait confiance à personne dans la conduite des affaires politiques et de l’Etat. Les acteurs majeurs se regardent en chiens de faïence et l’objectif commun de l’organisation régulière des élections générales en 2023 n’est plus partagé par tous. Pour certains, il faut pousser vers l’organisation des scrutins devant départager les ambitions politiques en confrontation et pour d’autres, le décor est mal planté avec une Cour constitutionnelle acquise au régime, une CENI contestée à l’avance, des institutions quadrillées par le pouvoir et des finances aux seules mains des tenants de la majorité présidentielle symbolisée par l’Union sacrée de la nation (USN). Dans ce climat politique enflammé s’ajoutent des crises non négligeables telles le constat des bandes organisées de certains partis politiques contre d’autres leaders politiques (cas du dimanche 5 décembre 2021 au camp Luka de Kinshasa où un leader politique a été interdit de meeting sur instruction de l’autorité urbaine) ; la crise de nerfs à l’Assemblée nationale entre le député Delly Sesanga Hipungu Dja Kaseng et le speaker de la chambre basse du Parlement ; la scission insoutenable de la plateforme des confessions religieuses ; le retour voilé de la loi sur la Congolité pour tenter de gêner certains leaders politiques pressentis présidentiables en 2023 ; l’entrée mal coordonnée des troupes ougandaises sur le sol congolais dans la traque contre les rebelles et terroristes ADF… Tout ceci pendant que règnent au pays d’autres pathologies sociopolitiques telles que la problématique encore mal gérée de la taxe RAM, la grimpette du tribalisme offusquant qui laisse perplexes et confuses toutes les sensibilités sociolinguistiques du pays. Sans compter les nombreux dysfonctionnements du programme de la gratuité de l’enseignement, le déséquilibre au niveau des institutions nationales et provinciales, les effets renforcés de la pandémie à Covid-19 et les rapports contradictoires de Congo Hold-up par rapport aux révélations de l’Inspection générale des finances (IGF) etc.

Crise de nerfs Sesanga-Mboso au Camp Luka

Journée très surchauffée dimanche 05 décembre dans le quartier populeux de Campa Luka dans la commune de Kintambo. Après le film de la prise de bec entre le président de l’Assemblée nationale et le député national, élu de Luiza, Delly Sesanga, leur escalade verbale s’est déportée jusqu’à la base. Le premier se réclamant leader du coin et le second s’estimant meneur naturel et figure de proue de cette entité politico-administrative. Déjà samedi, le CRD, parti politique de Christophe Mboso Nkodia avait mobilisé des sportifs du camp Luka dans une randonnée à bord d’une dizaine de bus jusqu’à Mbankana, question de démontrer ses biceps face à un député considéré comme non originaire de Kinshasa (Bandundu et Kongo central). Le même jour, des affiches et banderoles annonçant le meeting populaire de Sesanga ont été vandalisées par des jeunes surexcités qui promettaient d’en finir avec le leader de l’Envol. Dimanche matin, des barricades ont été érigées tout au long de l’unique voie d’accès au camp Luka suivi de quelques échauffourées. Finalement, la police nationale congolaise est intervenue avec toute musculature pour interdire le meeting du député Sesanga, ce qu’a contesté ce dernier. « On nous prive la parole au Parlement et on veut nous interdire de communiquer avec le peuple », a-t-il dénoncé, entouré de quelques centaines de militants de son parti visiblement très implanté dans le secteur. A cette allure, déclarent bien d’observateurs, le climat électoral s’annonce tendu et dangereux pour le pays.

Tout est parti des bouts de phrases de trop prononcés successivement par le député Envol Delly Sesanga Hipungu Dja Kaseng et Christophe Mboso Nkodia Pwanga, président de l’Assemblée nationale à la plénière du vendredi 3 décembre 2021. Des circonvolutions verbales qui ont suffi pour déclencher une véritable guerre politique et intellectuelle entre les pro-régime et les autres forces politiques du pays. L’élu de Luiza dénonçait une délinquance financière dans le chef des institutions de la République dont l’exécution des budgets n’obéit nullement aux normes et aux recommandations du Parlement. Le mot n’est pas vite passé pour Christophe Mboso qui y a vu un manquement, sinon, une dérive verbale. La plénière du vendredi 3 décembre 2021 aura souligné cet incident mineur hyper médiatisé parmi la principale recette du jour. Déjà la toile s’en était amplement servie. Les uns pour dénoncer et les autres pour défendre. Au finish, les mêmes réseaux sociaux vont trancher. Délinquance financière n’avait rien à avoir avec une quelconque interprétation insultante. Comme pour dire que le conflit datait de bien longtemps avant cet incident qui n’était que la goutte qui a fait déborder le vase entre les deux personnalités.

La CENI divise définitivement les religieux

Le célèbre pasteur Dodo Kamba, représentant légal des Églises de réveil vient d’être bombardé président de la plateforme des Confessions religieuses. L’imam Cheikh Abadallah Mangala quant à lui a été coopté vice-président de la même structure. Décidément, les religieux entrent officiellement en guerre avec comme grande victime de cette scission, Denis Kadima, président de la CENI. D’où ces quelques interrogations. S’agit-il d’un conflit de leadership ou comme c’est le cas dans le monde des politiciens, d’une simple guerre de positionnement ? Allons-nous vers la consécration de deux plateformes parallèles des confessions religieuses ennemies ? Comment cette église dépecée apportera-t-elle appui à la commission électorale nationale indépendante (CENI) en cette période d’un aussi grand besoin de rassemblement de la nation autour des élections voulues crédibles, inclusives et apaisées ? Le spectacle n’est pas beau à voir. Les pères spirituels viennent de briser la plus importante des valeurs morales de la nation en décidant délibérément de la fragmentation de leur organisation, la seule que comptait le pays et de laquelle les Congolais attendaient encore une voix de sagesse pour guider les acteurs politiques en totale dispersion idéologique. La crise dont les indices étaient perceptibles tout au long du processus de désignation du président de la CENI a atteint son paroxysme avec le choix jugé imposé de l’expert Denis Kadima Kazadi à la tête de la CENI. Les hostilités entre les deux courants des confessions religieuses ont été médiatiquement chirurgicales et idéologiquement d’un fort taux d’embrasement des rapports interreligieux en République démocratique du Congo.

Les six confessions religieuses (Eglise du réveil, communauté islamique, Église kimbanguiste, Église orthodoxe, Église indépendante et Armée du salut) avaient fait bloc contre les deux autres (catholique et protestante) pour faire peser leur majorité numérique sur la balance du consensus attendu. Catholiques et protestants avaient, pour leur part, avancé des récriminations touchant au caractère de moralité, de crédibilité et d’indépendance du candidat proposé par les kimbanguistes. Tous les débats engagés dans les médias, dans la rue et sur les réseaux sociaux n’ont pas suffi. Les deux groupes éloignaient chaque jour les chances de leur réconciliation jusqu’à entrainer d’autres crises au niveau de l’Assemblée nationale. Une commission paritaire contestée a produit un rapport contesté endossé par la suite par une plénière houleuse. La tension était à son comble. Après tout, la liste incomplète des membres de la CENI avec Denis Kadima comme président, a été investie par voie d’ordonnance présidentielle. Fin d’épisode.

Finalement, alors qu’il avait résolu de ne pas recevoir la délégation de la CENCO (Conférence épiscopale nationale du Congo), organisation réunissant tous les évêques de l’Église catholique, le chef de l’Etat a fini par saisir l’opportunité des assises du Comité permanent de la CENCO à Kinshasa pour recevoir, le 26 novembre 2021, la grande délégation des prélats catholiques. Ce qui a réellement fait baisser la tension. Fin d’épisode.
Cette crise de leadership ou de poids sociologique entre les religions actives en RDC a provoqué des chambardements dans les Églises suite au conflit généré par le choix à la fois de Ronsard Malonda que du président Denis Kadima Kazadi à la tête de la CENI. Pour avoir signé le procès-verbal désignant Malonda en 2020, l’Eglise Kimbanguiste décida de rappeler son principal représentant à la plateforme des confessions religieuses en la personne du révérend Delphin Elebe Kapalay et de son remplacement par le révérend Covey Mududu Ndompaulu. L’Église orthodoxe confirmera son délégué initialement désigné en la personne du révérend-père Claude Mbayi pour remplacer le professeur Théodore Fumunzanza Gimuanga, délégué de cette communauté à la CIME (Commission d’intégrité et médiation électorale), lui aussi signataire du même PV. L’Armée du salut connaitra à son tour un remue-ménage avec le remplacement de son Représentant Légal en la personne du colonel Lamartinière (sujet camerounais) par le Colonel Daniel Moukoko, nouveau chef de territoire. Le leadership de l’Eglise du Réveil du Congo (E.R.C) va également subir une secousse avec le départ de son Evêque général en la personne du général Son y Kafuta Rockman au profit du Révérend-Prophète Dodo Kamba Balanganay, nouveau Représentant Légal. Les Églises indépendantes vont décider de déchoir leur représentant légal Mgr Simon Nzinga Maluka qui à son tour, tiendra une autre assemblée générale de sa reconduction. La Communauté Islamique au Congo (COMICO) n’a pas échappé à la tempête avec une scission qui conduira à des échauffourées entre deux tendances de jadis avant que l’autorité politique n’intervienne pour rétablir le calme et stabiliser le leadership du Représentant Légal, le Sheikh Abdallah Managala Luaba. Seules les Églises catholique et protestante n’ont pas été affectées par cette vague déstabilisatrice de 2020.

Denis Kadima sacrifié

La dernière scission entre les six et les deux confessions religieuses n’augure pas du tout un lendemain rassurant pour l’actuel président de la CENI. Alors que le chef de l’Etat venait de faire évoluer positivement le climat de tension entre les deux groupes, l’axe Dodo Kamba vient de mal rebondir en prenant acte de la suspension de participation des deux confessions religieuses aux travaux de la plateforme. Certes, les six sont en droit de s’organiser en l’absence des deux autres, mais d’après des analystes, elles ne devraient pas pousser la crise à la dernière extrémité en désignant titulairement les nouveaux présidents. En lieu et place de se limiter à installer des dirigeants à titre intérimaire, question de permettre aux deux autres de revenir, conformément aux conseils prodigués par le président de la République qui aurait exhorté les catholiques à harmoniser avec leurs collègues, les six ont radicalement exclu les deux autres. Pourtant, c’est l’audience présidentielle du 26 novembre 2021 qui aurait justifié la demande de pardon de l’abbé Donatien Nshole le 27 novembre 2021 au cours d’une célébration Bahaï, pour le spectacle désolant offert par les confessions religieuses à la nation congolaise par la plateforme au sujet de l’affaire Kadima.

Avec la dernière déclaration des six, les catholiques et les protestants se voient gravement froissés et populairement mortifiées. Ce qui pourrait comporter des conséquences incalculables sur l’appui et le soutien attendus de ces deux imposantes confessions religieuses dans le processus électoral.

Ouragan

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