En termes de mandat électif, quatre années sont vite passées. Les Institutions issues des élections de décembre 2018 devraient, d’ores et déjà, préparer les échéances de 2023. Et, afin de ne plus répéter, et partant, de ne pas prêter le flanc aux vicissitudes politiques des processus électoraux de 2006 et de 2011, l’heure est venue de développer une réflexion courageuse et consensuelle sur les défis à relever, pour ne plus retomber dans des incohérences qui ont conduit à un mandat présidentiel élastique, un Sénat et une Assemblée nationale aux mandatures indéfinies, occasionnant ainsi des violences au sein d’une société congolaise déchirée.

Il ne faut pas être voyant pour s’apercevoir que le spectre du « glissement » du processus électoral n’a jamais été aussi présent. Et qu’il est systématiquement éludé dans le discours politique développé par les uns et les autres au cours des douze mois écoulés. Ni dans son discours sur l’état de la Nation, et encore moins son message à l’occasion du nouvel an, le Président de la République ne s’est appesanti sur cette matière de la plus haute importance. Ce qui laisserait croire que Félix Tshisekedi, à l’instar du reste de la classe politique, ne ferait pas grand cas de l’urgence à planter dès aujourd’hui un décor qui rassure.

Plusieurs facteurs éveillent une inquiétude légitime, en ce qu’ils constituent un chantier de longue portée et qui s’étalerait sur une longue période, nécessitant leur correction pendant qu’il en encore temps.

En fin mandat, le bureau de la CENI ne peut plus engager des actions

L’on se souvient, en effet, que la Commission électorale nationale indépendante (CENI) avait déposé au bureau de l’Assemblée nationale, et ce dès la première session de l’organe législatif, son Rapport circonstancié, assorti d’une série de recommandations applicables aux prochaines échéances électorales. Il est surprenant de constater que ledit rapport n’a fait l’objet d’aucun débat au cours des deux sessions ordinaires et de celle, extraordinaire, de l’Assemblée nationale. Dans cette perspective, des voix s’élèvent déjà parmi des experts des questions électorales, pour faire valoir l’urgence de son examen en session extraordinaire de l’Assemblée nationale à convoquer, ou à tout le moins, son inscription prioritaire à l’ordre du jour de la session ordinaire de mars.

Arrivé fin mandat depuis le mois de juin 2019, le bureau de la CENI piloté par le très controversé Corneille Nangaa ne peut plus engager des actions en rapport avec les scrutins de 2023.

A ce jour, son rôle reste limité dans l’expédition des contentieux électoraux des dernières élections. Il devient donc urgent, par ricochet, de mettre en place un nouveau bureau de la CENI appelé à prendre à bras-le-corps dès sa prise de fonction, les défis immenses qui mettraient les prochaines élections à l’abri des remous sanglants découlant d’une volonté des anciens opposants arrivés enfin au pouvoir à rééditer les « exploits » de leurs prédécesseurs. Entendre : se maintenir au pouvoir sous le couvert des insuffisances techniques de la Centrale électorale.

Et le défi majeur est bien évidemment, la remise à jour d’un fichier électoral devenu obsolète. Tant il est évident que les scrutins de 2018 l’ont été sur la base d’un rôle électoral improbable. Le nouveau fichier électoral devra bien évidemment inclure les nouveaux majeurs, les anciens exilés, réfugiés revenus au pays, les déplacés ayant regagné leurs milieux, les ex-prisonniers, les ex-combattants démobilisés…

Le législateur est, en outre, appelé à lever l’option politique épineuse du recensement de la population. Les parties prenantes devront faire le tri indiqué entre les statistiques fournies par le ministère du Plan ; celui, administratif, tenu par les Entités territoriales décentralisées, ou le recensement électoral avec les contraintes liées à son financement.

Révision de la Constitution et légiférer sur la fameuse « Machine à voter »

Un autre défi est celui lié au vote électronique. Il s’agira de légitimer une fois pour toutes la fameuse « Machine à voter ». En d’autres termes, s’il est nécessaire de faire appel au vote électronique, à ce jour mis à l’index par le même législateur, pourquoi ne pas l’envisager et l’intégrer officiellement dans les textes des lois en la matière. Sa légalisation supposant l’instauration de garde-fous par le biais d’une commission de personnalités à l’intégrité reconnue.

Toujours au chapitre juridique, la révision de la Constitution s’impose presque de lui-même. De l’instauration de l’élection du chef de l’Etat au suffrage indirect et celle des gouverneurs et sénateurs au suffrage direct, en passant par la résolution de la question de la qualité d’électeur de Congolais détenant la double nationalité, il y a là des matières qui, naturellement, suscitent un débat. En son temps, Kabila l’avait déjà effleuré, lors d’un point de presse, le dernier d’ailleurs, à l’aube de son règne long de dix-huit ans aux commandes du pays.

En froid avec la communauté internationale, le régime précédent avait naguère, faut-il le rappeler sans se rincer les sourcils, levé l’option de rejeter tout appel à un financement des élections par des apports extérieurs, avec le résultat désastreux d’un « glissement » programmé. Une année après décembre 2018, le nouveau pouvoir de Félix Tshisekedi, adulé de l’Occident, ferait œuvre utile en faisant appel dès maintenant à l’accompagnement de la communauté internationale, sous réserve d’obtenir des partenaires et autres observateurs étrangers des garanties d’indépendance et de crédibilité.

L’octroi d’un statut d’observateur à l’Eglise catholique ?

Quant à l’observation électorale au niveau de la société civile interne, il y a lieu de relever le rôle joué par l’Eglise catholique au cours des trois derniers processus électoraux. En 2006, c’est le défunt cardinal Etsou qui proclamait de son lit de malade en Europe que selon les données qu’il détenait, Jean-Pierre Bemba était sorti vainqueur de la présidentielle. En 2001, son successeur, la cardinal Monsengwo remettait en cause la victoire de Joseph Kabila au détriment d’Etienne Tshisekedi. Enfin, en 2018, l’Eglise catholique de Kinshasa remettait le plat avant de s’aligner. Pour le cardinal Ambongo, Félix Tshisekedi avait volé la victoire à Martin Fayulu.

Cette propension de l’Eglise catholique à jeter le trouble dans les esprits à l’issue de chaque échéance électorale amène à se poser la question de savoir si le législateur ne gagnerait pas à lui octroyer, à elle ainsi qu’aux autres confessions religieuses qui en exprimeraient le désir, un statut spécial d’observateur par la prise d’un texte légal. A défaut de voir l’Eglise s’inviter constamment dans un débat politique, elle se verrait ainsi invitée dans l’accompagnement d’un cycle pour une fois apaisé.

La Prospérité

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