Le 24 janvier 2019 reste et restera une date symbolique dans l’histoire de la République démocratique du Congo. Ce jour-là, pour la première fois depuis l’indépendance du pays, un président sortant cède pacifiquement et de manière civilisée son pouvoir à son successeur. Joseph Kabila et Félix Tshisekedi sont les deux acteurs centraux de ce moment d’histoire. Félix Tshisekedi devient le 5e président de la RDC et Joseph Kabila, lui, ceint l’écharpe de sénateur à vie. Trois bonnes années se sont écoulées et le président Tshisekedi peine à imposer ses marques, bien qu’il ait réussi à s’affranchir de l’ombre, trop encombrante, de son prédécesseur et malgré toute la bonne volonté qu’il affiche à travers sa vision incarnée dans « Le peuple d’abord ». S’étant rendu compte que les trois premières années n’ont pas été fameuses, il a fait des promesses. Va-t-il les réaliser ? Si le bilan à mi-parcours, de ses trois premières années, peut être jugé de mitigé, comme un verre à moitié vide pour les pessimistes ou à moitié plein pour les optimistes, Félix Tshisekedi a la lourde mission de remplir sa coupe de promesses pour les deux années qui le séparent de la fin de son premier quinquennat. Il devra donc poser des actes concrets afin de reconquérir la confiance du peuple avant de l’affronter dans les urnes aux scrutins de décembre 2023. Sa recette, présentée comme une prise de finition, à savoir : le Programme de Développement Local de 145 Territoires (PDL-145T), ne devrait en aucun cas connaître de ralenti ou encore de raté en termes d’exécution. C’est dire que Tshisekedi n’a plus droit à l’erreur dans sa mission de promouvoir, à travers ce programme, l’émergence des économies des territoires et d’améliorer les conditions et cadres de vie des populations rurales, à travers des investissements publics massifs.
Que fera Tshisekedi de 2022 à 2023 ? Face à plusieurs défis à relever encore, le président de la République doit capitaliser les 24 mois qui lui restent pour montrer à des milliers de Congolais qui lui ont fait confiance en 2019 qu’ils ne s’étaient pas tromper de choix.
Hélas ! Du 24 janvier 2019, date de prestation de serment constitutionnel du chef de l’État au 24 janvier 2022, Félix Tshisekedi n’a pas eu des mains libres pour monter l’architecture de son pouvoir. N’ayant pas obtenu la majorité parlementaire, le président, démocratiquement élu, était donc obligé de se tourner vers un Premier ministre d’une autre famille politique pour former le gouvernement.
Tirant les leçons de ce contexte sui generis, le président de la République élu et le président de la République sortant, têtes de pont de leurs majorités respectives, avaient convenu d’agréger leurs regroupements politiques (CACH et FCC) afin de constituer une coalition gouvernementale capable d’offrir aux Congolais des raisons de croire en un saut qualitatif à travers un programme de gestion commun devant être implémenté par une équipe gouvernementale issue de la coalition ainsi décidée. La coalition FCC-CACH s’était fixée des fondements essentiels ainsi articulés autour de la restauration de l’État de droit, la transparence dans la gestion de ressources nationales, la lutte contre la corruption et la concussion et l’instauration d’une justice distributive dans l’affectation des ressources publiques.
« Malheureusement, constate l’ACAJ, « deux ans après la gouvernance du pays, la coalition FCC-CACH s’était apparentée de plus en plus à un nœud gordien asphyxiant dangereusement le fonctionnement de l’État. En effet, au lieu d’être le creuset où devait se concevoir et se décider des politiques publiques en faveur des citoyens, la coalition CACH-FCC s’était transformée en instance de repositionnement opportuniste mise en place pour assouvir et préserver les intérêts égoïstes de différentes parties prenantes ».
Deux ans de relations conflictuelles
Cet équilibre instable entre les deux niveaux de pouvoir durera deux ans avant que le président Tshisekedi ne parvienne à se construire une nouvelle majorité, en détournant spectaculairement les élus du FCC vers sa nouvelle majorité. Depuis, le FCC de Joseph Kabila est dans l’opposition. Il a perdu les deux tiers de ses élus partis rejoindre l’Union sacrée de Tshisekedi.
Durant les deux premières années de son mandat, le président Felix-Antoine Tshisekedi Tshilombo a eu à impulser la libération des prisonniers politiques et d’opinion, l’ouverture de l’espace d’exercice de libertés publiques et la diminution de cas d’arrestation et détention par les services de sécurité. Mais, à la suite de la crise persistante au sein de la coalition FCC-CACH, qui avait paralysé le fonctionnement normal des institutions en RDC et face à la nécessité d’une refondation et requalification de l’action gouvernementale au profit du peuple, le Tshisekedi avait organisé des consultations avec les forces vives de la Nation ; lesquelles débouchèrent sur la liquidation de la coalition et l’émergence d’une nouvelle majorité parlementaire dénommée Union Sacrée de la Nation et d’un gouvernement issu de celle-ci conduit par le Premier ministre Sama Lukonde Kyenge.
Le regard tourné vers l’avenir
Pendant que, sur le terrain, se mène le combat politique entre les camps ou au sein même de la famille politique du chef de l’État – l’Union sacrée de la Nation – le temps, lui, file vite. Déjà à partir de ce 24 janvier 2022, le compte à rebours à commencé pour les scrutins de décembre 2023. Le président Tshisekedi aura-t-il le courage de regarder la population – son électorat – dans les yeux ? Ou s’il le fera, quel message va-t-il lui adresser face à autant de défis qui l’attendent d’ici la fin de son premier quinquennat ?
« Nonobstant les efforts louables, entrepris dans le sens de l’amélioration des conditions de vie de la population, notamment en ce qui concerne la gratuité de l’enseignement de base et la réduction des prix des billets d’avion, notons que l’absence d’une méthodologie de gouvernance claire rend moins visibles et lisibles les priorités du gouvernement. C’est à juste titre que nombreux de Congolais ne cessent de s’interroger aujourd’hui sur l’existence ou non d’un programme cohérent et pertinent, notamment pour les infrastructures de base ; la desserte en eau potable et en énergie électrique ; l’accès aux soins de santé, la circulation sécurisée des personnes et des biens, l’accès à la justice de moins nantis, et la salubrité publique, surtout dans la ville de Kinshasa », relève l’ACAJ dans un communiqué de presse rendu public lundi 24 janvier 2022.
Face à tous ces défis, Félix Tshisekedi est ainsi appelé à user du bâton pour imprimer l’image positive du régime, de son entourage et des autres acteurs haut placés dans son régime qui font encore ombrage à sa vision du bien-être des Congolais. C’est la seule possibilité pour lui de garantir la nouvelle approche de développement qu’il prône, celle centrée sur le monde rural (Programme de Développement Local de 145 Territoires) pour permettre certainement d’accroître l’efficacité des politiques publiques et de réduire rapidement la pauvreté et les inégalités spatiales en RDC.
Le Potentiel