Après l’Egyptien Boutros-Boutros Ghali et le Sénégalais Abdou Diouf, la Rwandaise Louise Mushikiwabo est devenue sans surprise ce vendredi 12 octobre 2018 la troisième africaine à prendre la tête de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). Représentée à ses assises de la capitale Arménienne par le premier ministre, Bruno Tshibala, la RDC a voté en faveur de la rwandaise. Un soutien dicté par la position de l’UA se justifie-t-on à Kinshasa.
A 57 ans, Louise Mushikiwabo devient la troisième africaine secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), après l’Egyptien Boutros-Boutros Ghali et la Sénégalais Abdou Diouf. Elle succède alors à la canadienne Michaelle Jean, malheureuse candidate à sa propre succession à la tête cette institution qui a pour but, à la base, de promouvoir la langue française dans le monde. Jusque-là très influente ministre des Affaires étrangères du Rwanda, la candidature de Louise Mushikiwabo a surpris au départ avant d’arracher le consensus de l’UA, de la France, du Canada … et même de la RD Congo.
Soutien de la RDC dicté par la position de l’U.A
Pour Lambert Mende, Louise Mushikiwabo est portée par l’union africaine. Le porte-parole du gouvernement refuse de voir cette adhésion à la position de l’UA sous l’angle d’un soutien à un individu. En fait, toutes les décisions qui ont été prises jusqu’à maintenant en matière de désignation de secrétaire général se sont faites dans le consensus, plutôt que par vote formel.
Or, si le soutien de la France à la ministre rwandaise des Affaires étrangères, a beaucoup surpris au départ, l’idée et le consensus autour de sa personne ont fait du chemin depuis. Au point qu’elle est bel et bien la seule candidate face à la sortante Michaëlle Jean, qui, on peut le dire, fut lâchée de toutes parts. Même le Canada et le Québec avaient annoncé le mardi 9 octobre qu’ils ne soutiendraient plus la candidature de l’ancienne gouverneure générale du Canada à la direction de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), dont elle est la secrétaire générale sortante depuis 2014.
Dans un tweet, le président Kagame a dit « Merci infiniment à tous nos frères et sœurs africains qui nous ont soutenus et à tous les pays à travers toute la Francophonie qui ont placé leur confiance dans notre candidate.»
Dans un second tweet, le président Kagame a déclaré: « C’est un moment historique pour nous tous, Rwandais et Africains, qui démontre une fois de plus, qu’il n’y a pas de défis insurmontables face à une Afrique unie et déterminée. »
La victoire de Mme Mushikiwabo est « le reflet de l’importance de l’Afrique pour la Francophonie », a reconnu, beau joueur, le Premier ministre canadien Justin Trudeau, interrogé pour savoir si le départ de Michaëlle Jean représentait un « camouflet ».
« Il y a eu un consensus, je pense que c’est bon pour toute la Francophonie », a abondé le Premier ministre élu du Québec, François Legault.
Un choix qui pose questions
L’offensive diplomatique rwandaise a eu raison des critiques que la candidature du Rwanda avait suscitées, d’abord sur les droits de l’homme. Paul Kagame, qui en est déjà à son troisième mandat, remporté avec un score mobutesque de 98%, a fait changer la Constitution pour rester au pouvoir jusqu’en 2034.
La Francophonie a donc couronné vendredi la Rwandaise Louise Mushikiwabo face à la sortante canadienne Michaëlle Jean, consacrant ainsi la victoire de l’Afrique, soutenue par la France, lUA et la RDC; et ce malgré les critiques à propos du peu de cas que le Rwanda ferait de la défense des droits fondamentaux et du français. Surtout lorsqu’on sait que, au Rwanda, le français a été remplacé par l’anglais comme langue d’enseignement dès 2008. Et le petit pays de la région des Grands Lacs, tout en restant membre de l’OIF, a rejoint le Commonwealth.
« Kigali, depuis l’arrivée au pouvoir de Paul Kagame, n’a cessé de prendre ses distances avec notre langue : adhésion au Commonwealth, fin de l’enseignement du français dans les écoles, choix de l’anglais comme langue nationale, rédaction de tous les actes officiels en anglais, y compris lorsque Kagame s’adresse à l’OIF… ou rencontre le président Macron ! Il s’en est fallu de peu que le Rwanda ne quitte définitivement l’OIF. Et les arriérés de paiement accumulés au fil des ans au titre de sa cotisation due à l’OIF n’ont été soldés qu’en mai », ont dénoncé dans une récente tribune Charles Josselin, Pierre-André Wiltzer, Hélène Conway-Mouret et André Vallini, quatre anciens ministres français chargés de la Francophonie.
Outre la langue, les détracteurs de la candidature rwandaise jugent qu’elle sacrifie la charte de l’OIF, qui a inscrit « le soutien aux droits de l’homme » parmi ses missions premières, sur l’autel d’une réconciliation entre Paris et Kigali, qui accuse la France d’avoir joué un rôle dans le génocide rwandais. Le Rwanda pratique « censure, menaces, arrestations, violences, assassinats » contre les journalistes qui osent dénoncer l’autoritarisme de ses dirigeants, a récemment dénoncé Reporters sans frontières (RSF).
Mais, derrière le choix du Rwanda, il y a officiellement un double bénéfice escompté pour la France : se réconcilier avec le régime de Kagame et donner des gages à l’Afrique anglophone. À y voir de plus près, on observe bien que le lien entre politique africaine de la France et francophonie est probablement plus étroit que jamais.
L’Avenir / La Croix / La Tribune Afrique / MCP