Herman Cohen, ancien sous-secrétaire d’Etat américain aux affaires africaines, ne donne pas une année à leur « mariage »

Six mois après l’investiture du président Félix Tshisekedi, la République démocratique du Congo n’a toujours pas de gouvernement. Nommé depuis le 20 mai, le Premier ministre, Sylvestre Ilunga Ilunkamba, continue encore à se tourner les pouces. Les négociations entre les délégués de deux parties piétinent alors que le dénouement est entre les mains de Félix Tshisekedi et Joseph Kabila, les deux détenteurs du deal FCC-CACH. L’opinion leur demande de ne pas prendre le pays en otage.

La République démocratique du Congo tourne au ralenti. C’est le moins que l’on puisse dire. La nomination depuis le 20 mai 2019 du Premier ministre, Sylvestre Ilunga Ilunkamba, n’a pas non plus résolu le problème. Bien au contraire, il a fait remonter à la surface les nombreux clivages qui minent la coalition FCC-CACH. Si bien que, six mois après son investiture, le chef de l’Etat, Félix Tshisekedi ne sait pas donner à la RDC son gouvernement.

A Kisantu, dans le Kongo central, où ont pris l’habitude de se réunir les délégués de la coalition au pouvoir, les discussions piétinent. On est encore loin de la fumée blanche tant attendue.

Pendant ce temps, le Premier ministre nommé se pavane dans la capitale, loin de chaudes empoignades de Kisantu. Comme tous les Congolais, Sylvestre Ilunga Ilunkamba attend, lui aussi, son gouvernement. Apparemment, le chef du gouvernement n’est pas associé aux négociations entre le FCC et le CACH. Dans son entourage, on apprend néanmoins que le professeur Ilunga Ilunkamba a nommé une équipe restreinte qui travaille sur la remise et reprise avec Bruno Tshibala. Puis, plus rien.

En réalité, la nomination des membres de son gouvernement ne dépend pas de lui. C’est un dossier qui se négocie entre le président Félix Tshisekedi et Joseph Kabila, autorité morale du FCC.

A ce jour, les deux personnalités n’ont pas encore dégagé un compromis sur la mouture exacte du gouvernement. A un moment, les ministères régaliens étaient la pomme de discorde. Mais, aux dernières nouvelles, on apprend que le président Félix Tshisekedi a obtenu gain de cause en s’adjugeant le contrôle de tous ces ministères, y compris les Finances. Mais, dans le choix des personnalités, dit-on, Kabila n’aurait pas encore dit son dernier mot. D’où, le blocage.

Blocage en vue

A y voir de plus près, c’est le pays qui est bloqué. La RDC se trouve presqu’au point mort. En lieu et place d’un gouvernement, investi de tous les pouvoirs, le chef de l’Etat gère avec son directeur de cabinet qui change de rôle au gré des circonstances. Tantôt, il fait office de vice-président de la République, tantôt de Premier ministre, se substituant par moment à un ministre sectoriel. C’est dans cet assemblage institutionnel sorti de nulle part que se gère aujourd’hui la République démocratique du Congo.

Dans les rangs du FCC, regroupement politique majoritaire à l’Assemblée nationale, mais allié au CACH au sein de la majorité parlementaire, cette gestion atypique du pays commence à gêner. Dans l’entourage de Joseph Kabila, des langues sont prêtes à se délier. Le débat houleux qu’il y a eu dernièrement à l’Assemblée nationale en est juste le prélude. Il y a bel et bien des étincelles en l’air au sein de la coalition FCC-CACH. De même, dans l’opinion qui ne cache plus ses frustrations.

En réalité, c’est le pays qui est pris en otage par deux personnes qui tardent à se mettre d’accord autour du deal qu’ils ont conclu après les élections générales du 30 décembre 2018. Embourbés dans des contradictions dont ils sont les seuls à en maîtriser le secret, Félix Tshisekedi et Joseph Kabila ne peuvent pas hypothéquer l’avenir de tout un peuple, juste pour protéger leur égo, apparemment surdimensionnée.

Avec autant de défis qui s’offrent à la RDC aussi bien en termes économiques, sociaux et environnementaux, il est inconcevable que le pays n’ait toujours pas de gouvernement, six mois après l’investiture d’un président élu, Félix Tshisekedi. C’est tout l’avenir d’un pays et le devenir d’une nation qui sont sacrifiés sur l’autel des calculs politiciens.

Que dire alors du deal qui lie Tshisekedi à Kabila ? Personne n’en connaît le contenu. Toutefois, une chose est vraie : l’accord FCC–CACH n’a pas été conclu pour le bien du peuple congolais. Tout a été réduit aux individus. Il faut dès lors craindre un soulèvement populaire pour réclamer ce qui revient de droit au souverain primaire, c’est-à-dire vivre en paix et bénéficier des richesses du pays de ses ancêtres.

Fin connaisseur de l’Afrique subsaharienne, Herman Cohen, ancien sous-secrétaire d’Etat américain aux affaires africaines, prédit une fin tragique à l’accord qui lie Tshisekedi à Kabila. Il est convaincu que cet accord ne tiendra pas une année.

Pendant ce temps, c’est tout le pays qui s’arrête, suspendu à ce que décideront Félix Tshisekedi et Joseph Kabila. Evidemment, le temps s’égrène et la RDC plonge petit à petit dans une crise institutionnelle. Nombreux sont ceux qui demandent aux deux alliés de ne prendre encore longtemps le pays en otage.

Le Potentiel

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