En attendant l’ultime « délibé », des analystes conseillent au Raïs de tenir compte de l’usure du pouvoir et de la maigre moisson des élections de 2006 et 2011 dans l’Ouest du pays.

L’élection présidentielle en RD Congo approche. A grand pas. Nous voici officiellement à neuf mois du délai butoir, s’il faut se fier au calendrier électoral de la Ceni, qui prévoit la tenue effective du scrutin le 23 décembre prochain. Que ce soit dans le camp de la Majorité présidentielle, plateforme au pouvoir, que dans celui de l’Opposition, l’heure n’est pas seulement au compte à rebours. Mais aussi, au choix des candidats. Si le calendrier est respecté, la Majorité présidentielle devra, en principe, désigner son candidat avant le mois d’août prochain. Côté Opposition, on a plus ou moins une idée, tant les ambitions semblent avoir été clairement exprimées.

Cependant, dans le pré-carré présidentiel, chacun voit midi devant sa porte. Bienvenue la guerre de positionnement. Connaissant la stratégie du Président Joseph Kabila qui prend souvent le contre-pied des exhibitionnistes, nombreux d’acteurs de sa famille politique qui ambitionnent le fauteuil présidentiel, se sont lancés, à visage couvert, dans une sorte de précampagne. Ce, en attendant l’ultime délibération du Raïs. Mais qui ? A cette lancinante question de l’opinion, Joseph Kabila préfère prendre tout son temps et joue désormais à la prudence. Une circonspection doublée de vigilance de ce qu’il doit forcément préserver après décembre 2018.

L’OBSTACLE

Comme il est constitutionnellement acquis que le Président Joseph Kabila ne doit plus se représenter au prochain scrutin pour un troisième mandat consécutif, l’heure de choix a sonné. Qui va permettre à la Majorité présidentielle, de sauvegarder l’essentiel ? Question à la fois substantielle et existentielle.

Alors que personnellement, le Raïs n’a encore rien dit, son silence ouvre une sorte de foire aux pronostics dans l’opinion.

L’hebdomadaire panafricaine Jeune Afrique y est même allé de sa Une. Quatre personnages : Aubin Minaku, actuel Président de la Chambre basse du Parlement, Adolphe Muzito, Augustin Matata, Premiers ministres honoraires et Emmanuel Shadary fraîchement nommé Secrétaire permanent du PPRD. Comme exactement dans une course de chevaux, Aubin Minaku est présenté comme étant le dauphin naturel du Raïs. Perçu comme « le soldat loyal » de l’armée kabiliste, l’actuel speaker de l’Assemblée nationale, doublé de la casquette de Secrétaire exécutif de la Majorité présidentielle, est donc considéré par certains comme étant le successeur idéal du Chef de l’Etat sortant.

Par ailleurs, Adolphe Muzito, deuxième Premier ministre du premier quinquennat du Président Joseph Kabila, part lui aussi, favori dans l’opinion. Des sondages menés à cette fin attestent que cet élu de la ville de Kikwit, a pris une longueur d’avance sur les autres potentiels prétendants de la coalition sortante. Foi au tout dernier sondage du Groupe d’étude sur le Congo qui crédite Adolphe Muzito de 9%, derrière les candidats de l’Opposition Moise Katumbi (26%) et Etienne Tshilombo Tshisekedi (14%), renseigne notre consoeur Jeune Afrique, dans son n°2164 du 18 au 24 mars en cours.

On lui reconnait volontiers, les premiers efforts de la stabilisation du cadre macroéconomique du pays. C’est aussi le même Muzito qui avait permis à la RD Congo d’atteindre le point d’achèvement de l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) en 2010.
Comme son prédécesseur Adolphe Muzito, le Premier ministre honoraire Augustin Matata Ponyo, est lui aussi, pressenti favori.

L’histoire renseigne que cet homme à la célèbre et inséparable cravate rouge, doit son prestige à la stabilité du Franc congolais. Son départ de la Primature a occasionné une descente aux enfers de la devise nationale. De l’extérieur, Mapon jouirait d’une image assez bonne auprès de certains partenaires occidentaux. Taciturne et peu enclin à la politique politicienne, Matata Ponyo se refuse d’occuper le premier rang de la scène au stade actuel des choses. Il n’ignore pas que pareille posture pourrait alanguir les chances d’être choisi.

Mais en attendant le choix ultime de l’actuel Chef de l’Etat congolais, nombre d’observateurs ne tempèrent pas. Ils estiment qu’une bonne analyse de la situation s’impose. Cela suppose la prise de conscience des notions de base. Ici, comme ailleurs, il s’agit de l’usure du pouvoir. Surtout quand il s’installe dans la durée, il y a une sorte de rejet quand le pouvoir a assez duré.

Aussi, dans la gestion on commet forcément des erreurs, comme le disait l’immortel Mao Zedong. On ne peut donc pas prétendre se jeter dans la piscine et en sortir sec. Un Chef de l’Etat peut être très massivement élu. Mais dès qu’il commence à gérer, souvent sa cote de popularité baisse. On l’a vu en France avec Nicolas Sarkozy, aux Etats-Unis d’Amérique avec Donald Trump. On pourrait citer plusieurs autres exemples à travers le monde. Alors, si déjà dans ces pays de vieille démocratie la réalité est bien celle-là, à combien plus forte raison elle ne le serait, peut-être deux fois encore dans des pays de jeune démocratie comme la RD Congo ? Tirant la leçon de cette expérience, alors le dauphin du Président « sortant » doit-être quelqu’un capable d’amoindrir cette usure du temps.

En 2006 comme en 2011, l’Ouest du pays n’a pas voté majoritairement pour Joseph Kabila. Et, Kinshasa en est le baromètre. L’alliance avec le PALU a permis d’attenuer un peu ce désamour. Il s’agit-ici d’une vérité historique que nul ne saurait prétendre ignorer. Le Raïs lui-même le sait. Partant, son héritier au fauteuil présidentiel doit être cet oiseau rare capable de compenser également cet aspect des choses. Et, il n’est pas dit que les tensions sociopolitiques qui s’observent dans la ville, vont s’estomper avec les élections. Prédiction de mauvais augure ? Assurément pas. Encore faudrait-il que la personne désignée soit en mesure d’incarner cet Ouest du pays qui se montre encore hostile.

Toujours dans la foulée des mêmes analyses, nombreux sont des Kinois qui pensent que ça risquerait de sonner faux, si le dauphin de la Majorité sortante est une personne très liée au Président Joseph Kabila.

SAVOIR GERER LES CONSEQUENCES DE L’USURE

Sur base du scrutin des suffrages obtenus par le Président Joseph Kabila lors des élections de 2006 et 2011, la partie Ouest du territoire national reste une équation à résoudre. Sauf si, entre temps, la même opinion antinomique a changé. Sinon, des analystes avisés ne voient pas trop, par quelle alchimie, les choses se passeraient autrement cette fois-ci. C’est donc le temps de bien y penser. Et cela passe irréversiblement par le bon choix. Le choix judicieux du dauphin qui devra représenter la Majorité présidentielle au prochain scrutin. A priori, le challenge ne s’annonce pas facile ou gagné d’avance. Partant, le choix du candidat de la coalition au pouvoir devra tenir compte des conséquences de l’usure du pouvoir.

Certes, le plus grand défi reste celui de sauvegarder l’essentiel. Mais comment y parvenir quand on sait que l’usure du temps est aussi passée par-là ? Tout bien considéré, une chose est d’être ressortissant ou originaire de l’Ouest du pays. Mais une autre et la plus importante, est d’incarner cette même partie du territoire national.

Laurel Kankole
Forum des As

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