Mardi, 19 avril 2022-Renvoyé devant la justice après l’annulation de sa condamnation en appel, l’ancien bras droit du chef de l’État est rentré à Kinshasa, ce lundi 18 avril, et pourrait revenir au centre du jeu. Un pari risqué à moins de deux ans des élections.

La traversée du désert de Vital Kamerhe touche-t-elle à sa fin ? Le 11 avril, la Cour de cassation a annoncé l’annulation de la condamnation en appel pour détournement de fonds de l’ancien directeur de cabinet de Félix Tshisekedi. Renvoyé devant une cour d’appel différemment constituée, il va pouvoir être rejugé sur le fond de l’affaire.

Célébrée comme une victoire par l’Union pour la nation congolaise (UNC), qui a longtemps dénoncé un « procès politique », cette décision n’est en soi qu’une étape. Mais elle crédibilise un peu plus la rumeur qui circulait déjà depuis des mois d’un possible retour aux affaires de l’ancien bras droit de Félix Tshisekedi.
Vital Kamerhe a-t-il vu le coup venir ? Remis en liberté provisoire le 6 décembre dernier et autorisé à se faire soigner en France, il a mené, jusqu’à son retour à Kinshasa le 18 avril, une discrète convalescence parisienne.

Pendant quatre mois, seule une poignée de proches ont eu accès à lui, dont son épouse, Hamida Chatur, et son assistant personnel, Michel Moto. L’issue favorable du pourvoi en cassation n’a rien changé au silence auquel il s’astreint. Même son entourage dit vouloir rester prudent quant à l’issue de l’affaire.

« Le dossier est tellement sensible », estime un cadre de l’UNC refusant de « céder au triomphalisme ».

Des ennemis en moins

Reste qu’en dépit des précautions de chacun, l’hypothèse d’une « résurrection » politique de Vital Kamerhe n’est plus à exclure. Depuis sa chute, en avril 2020, la donne politique a profondément changé.

Nombre de ses adversaires au sein du cabinet présidentiel ne sont plus là, tel Kitenge Yesu, l’ancien haut représentant personnel de Tshisekedi, ou l’avocat et conseiller Tete Kabwa – tous deux sont décédés durant sa détention. D’autres ont désormais maille à partir avec la justice et ne sont plus dans les bonnes grâces du chef de l’État : c’est le cas de l’ancien conseiller sécurité de Tshisekedi, François Beya.

Dans l’arène politique, l’influence de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) s’est progressivement diluée au sein d’une coalition hétéroclite, où d’autres partis ont négocié une place à la hauteur de leur contribution au renversement de la majorité. Surtout, Jean-Marc Kabund, patron par intérim de la formation présidentielle, dont l’hostilité à Vital Kamerhe était connue, a connu une disgrâce éclair.

Mais Kamerhe ne fait pas l’unanimité. Au sein d’une Union sacrée où les intérêts de chacun sont parfois difficilement conciliables, son retour éventuel n’est pas vu d’un bon œil par les alliés du président. « Le problème, avec Kamerhe, c’est que l’on doute tout le temps de sa fidélité », tacle l’un des pontes de l’Union sacrée.

L’entourage de l’intéressé conteste cette image d’homme versatile qui lui colle à la peau et met en avant « l’indéfectible loyauté » dont il a fait preuve à l’égard du chef de l’État, malgré la procédure judiciaire dont il a été l’objet.

Entre Kamerhe et Tshisekedi, la rupture n’a jamais été réellement consommée. Il y a certes eu un jeu de chaises musicales au sein du cabinet après l’incarcération de « VK », lequel a conduit à la marginalisation de plusieurs des proches du patron de l’UNC. Il y a aussi eu les menaces du parti, qui s’est dit prêt à suspendre sa participation aux institutions après la condamnation de son président en appel.

IL N’A JAMAIS EU LA VOLONTÉ D’ENTRER EN CONFLIT AVEC TSHISEKEDI

Mais Kamerhe a continué à plaider l’apaisement discrètement. « Il ne faut pas oublier qu’il avait appelé au calme au moment de son arrestation. Il n’a jamais eu la volonté d’entrer en conflit avec Tshisekedi », glisse un élu de l’UNC. Même l’entourage du président reconnaît que l’attitude de l’ancien « dircab » depuis son incarcération a joué en sa faveur. « Il ne s’est pas inscrit dans une logique vindicative », souligne-t-on au palais.

« Kamerhe avait suffisamment d’expérience pour savoir qu’il fallait maintenir un dialogue avec le sommet de l’État », commente pour sa part un diplomate en poste dans la capitale.

« Kamerhe est quelqu’un de sérieux »

Kinshasa n’y a pas été insensible. Lors du remaniement qui a suivi la rupture entre Tshisekedi et son prédécesseur, Joseph Kabila, l’UNC et ses quinze députés ont réussi à obtenir cinq ministères dans le gouvernement de Sama Lukonde Kyenge. Deux de plus que le parti de Jean-Pierre Bemba, qui compte pourtant deux fois plus de députés. « Il ne faut pas oublier que nous avons un accord avec le président Tshisekedi, celui conclu à Nairobi.

Certains gestes, comme ce remaniement, nous ont montré qu’il y accordait encore de l’importance », affirme un proche de Kamerhe. Selon cette source, certains termes de l’arrangement en question, qui prévoyait notamment que la primature serait confiée au patron de l’UNC, vont être renégociés.

Kamerhe a aussi veillé à maintenir un canal de discussion avec le chef de l’État, directement ou par le biais de collaborateurs, comme Pacifique Kahasha.

Chargé de mission à la présidence, celui-ci a suivi de près les négociations concernant l’ancien directeur de cabinet. Si bien que, le 30 juin 2021, dans une interview donnée quatorze jours après la condamnation en appel de l’intéressé, Félix Tshisekedi a déclaré : « Vital Kamerhe est non seulement quelqu’un de sérieux, de correct, mais c’est en plus quelqu’un dont la République a besoin. Je suis convaincu qu’il jouera à nouveau un rôle dans ce pays. »

Pari pour Tshisekedi

Pour Félix Tshisekedi, un retour aux affaires de Kamerhe revêtirait un intérêt stratégique. Lui qui a fait du retour de la paix dans l’Est l’une de ses priorités travaille désormais au bilan qu’il présentera en 2023 pour décrocher ce second mandat qu’il a admis convoiter. Car, malgré l’instauration de l’état de siège ou l’intervention menée conjointement avec l’armée ougandaise, son bilan sécuritaire demeure maigre. Les députés provinciaux du Nord-Kivu ne lui ont-ils pas adressé un mémo dans lequel ils dénoncent un état de siège plus « politico-médiatique qu’opérationnel » ?

Les élus du Parlement n’hésitent plus à s’exprimer contre le renouvellement de cette mesure et la population des provinces concernées se montre de plus en plus critique.

Dans ce contexte, la voix d’un Vital Kamerhe, natif du Sud-Kivu et dont l’influence s’étend dans tout l’Est, peut s’avérer précieuse. Suffisante pour contrer l’opposition qui cherchera à capitaliser sur le bilan mitigé de Félix Tshisekedi aux frontières orientales de la RDC ? Possible. Mais son éventuelle libération aurait indéniablement un coût politique. Car le procès des 100 jours, qui a abouti à sa condamnation, devait être la concrétisation d’une autre promesse – très médiatisée – de Félix Tshisekedi : celle de lutter contre la corruption.

Okapinews

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