« Comment on lui sauve la face, maintenant ? » La question est posée par un diplomate occidental de la région des Grands Lacs. La personne au centre de cette interrogation n’est autre que le président de la République Félix Tshisekedi. « Moins de deux ans après son arrivée au pouvoir, force est de reconnaître que le bilan est assez décevant », reprend un autre diplomate de la région, plus roué au langage feutré des ambassades.

Félix Tshisekedi a lancé, le 2 novembre dernier, des consultations politique dont le but avoué était de tenter de mettre sur pied une majorité alternative à celle qu’il a été contraint de constituer avec la plateforme politique de son prédécesseur Joseph Kabila, le Front commun pour le Congo (FCC).

Si le FCC de Joseph Kabila a « accepté le choix » de Felix Tshisekedi à la présidence, il a conservé les rênes du pouvoir en s’arrogeant 341 sièges sur les 500 que compte l’Assemblée nationale. Tshisekedi est donc pieds et mains liés vis-à-vis de son partenaire.

Mais c’était le prix à payer pour pouvoir s’installer sur le siège présidentiel. La communauté internationale, trop heureuse de voir enfin un président africain faire un pas de côté après un scrutin, a fermé les yeux sur ces arrangements entre Kabila et Tshisekedi et a « vendu » cette passation de pouvoir pacifique (évitant généralement et heureusement l’utilisation de l’adjectif « démocratique ») comme un exemple à promouvoir en Afrique.

Moins de deux ans plus tard, c’est le désenchantement total. Felix Tshisekedi n’est jamais parvenu à s’affranchir de Kabila malgré ses promesses de « déboulonner l’ancien régime », sa gestion laisse pantois et son vain bras de fer avec son allié commence à agacer certaines capitales tant en Afrique qu’en Europe.

« Comment aller plaider les passations de pouvoir avec les hommes en place depuis des lustres sur ce continent quand les seuls exemples à donner montrent que dès qu’un nouveau s’installe, il cherche à se débarrasser de son prédécesseur quels que soient les accords signés », lance un expert français qui pointe du doigt aussi bien Tshisekedi que Lourenço, le successeur de Dos Santos sur le trône angolais. « Allez ensuite conseiller à Biya (Cameroun) ou Sassou (Congo Brazzaville) d’accepter une alternance pacifiée ! »

Une initiative mal préparée ?

En effet, la dernière tentative en date de Tshisekedi de croiser le fer avec son partenaire à travers ses consultations s’est conclue par un échec. Tshisekedi peut se vanter d’avoir obtenu le soutien du professeur Bahati, ex-ministre kabiliste qui se rêvait président du Sénat et qui avait déjà quitté le bateau du FCC depuis quelques mois. Enfin tacticien, le patron de l’AFDC a annoncé son intention de garder son indépendance. Reste la prise revendiquée par le camp présidentiel du ministre FCC de l’Urbanisme et de l’Habitat qui aurait décidé de quitter la « Kabilie ». Souci, le ministre dément.

Le président Tshisekedi sera parvenu à faire sortir de leurs provinces les poids lourds de l’opposition: Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi. Les deux – et en particulier l’ancien gouverneur de l’ancien Katanga – sont surtout venus prendre un bain de foule à Kinshasa. Ils ont écouté leur ancien « allié » et « frère » Félix, avant de s’en retourner sans un mot.

L’initiative de Tshisekedi était aussi compliquée que mal préparée. Pour renverser la majorité à l’Assemblée nationale et parvenir à prendre le contrôle de l’institution, le président de la République devait « retourner » plus de 200 élus dont près de 100 dans les rangs du FCC où certains affirment avoir reçu 7 000 dollars du camp présidentiel comme « avance » sur un éventuel divorce avec leur famille. Sans oublier qu’il lui fallait l’intégralité des élus de l’opposition, ce qui paraît très compliqué, certains députés ayant un peu de mémoire se souviennent que Tshisekedi était des leurs avant de les trahir à la veille de la présidentielle pour fonder son mouvement Cach (rebaptisé ca$h par certains) avec Vital Kamerhe.

Felix Tshisekedi avait promis de dézinguer Mabunda, la présidente de l’Assemblée nationale. Verdict, elle est toujours bien installée et tous les élus du FCC ont pris conscience que Kabila conservait le gouvernail. Ceux qui auraient pu avoir des velléités de départ se sont ravisés.

Hubert Leclercq
La libre Afrique

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