En 1976, le professeur Jean-Jacques Muyembe était l’un de ceux qui découvraient le virus Ebola. Après avoir pris la tête de la riposte contre Ebola, il est désormais à la tête de la réponse nationale congolaise contre le Covid-19. Entretien

Le professeur Jean-Jacques Muyembe est le directeur général de l’Institut national de recherche biomédical (INRB) de Kinshasa. En mars 2020, il a été nommé par le président Félix Tshisekedi coordonnateur national de la riposte contre la pandémie de Covid-19 en République démocratique du Congo (RDC).

RFI : Quelle est la situation actuellement à Kinshasa ?

Pr Jean-Jacques Muyembe : En RDC, nous avons eu deux mois de préparation, de janvier à février. Le premier cas a été dépisté le 9 mars : il s’agissait d’un voyageur qui revenait de France.

Aujourd’hui [jeudi 2 avril au matin, NDLR], nous avons 123 cas et avons déclaré 11 décès. La zone la plus affectée est la ville de Kinshasa, qui compte la plupart des cas. Trois provinces sont également affectées : le Nord-Kivu, le Sud-Kivu et l’Ituri. Ces provinces orientales en sont à leurs premiers cas.

Que se passe-t-il lorsqu’un habitant est testé positif au Covid-19 ?

Pour le moment, le foyer le plus touché est la commune de la Gombe, à Kinshasa où se trouvent les VIP, les personnes qui ont voyagé. Si le cas est bénin, nous demandons que le malade soit maintenu en isolement volontaire à domicile. Il est alors suivi par les équipes de soins. Si le cas est grave, il est donc conduit dans un centre de traitement. Nous avons choisi certains pavillons des hôpitaux existants. Les hôpitaux privés font aussi partie de notre équipe de soins.

La sécurité des soignants est primordiale. Quelles mesures sont prises par les autorités sanitaires congolaises pour les protéger ?

Tous portent des masques pour éviter la dissémination du virus dans l’environnement. Certains portent également les vêtements de protection complets.

Du côté des mesures, des stratégies des autorités, quelles décisions ont été prises ?

Le pays est complètement en isolement. Nous avons reçu les directives du Président de la République, notamment en termes de distanciation sociale, de l’hygiène des mains… Malheureusement, au sein de la population, tout le monde ne croit pas à la maladie.

Et en matière de confinement ?

Nous cherchons à mettre en place soit un confinement sélectif de la commune de la Gombe, soit un confinement général pour toute la ville de Kinshasa.

Quand cette décision sera-t-elle prise ?

Normalement, le confinement de la Gombe était prévu pour demain (vendredi 3 avril). Nous rencontrons quelques problèmes d’harmonisation. Ce sera donc effectif très prochainement. On pense même à étendre ce confinement à toute la ville de Kinshasa. [Le confinement de la Gombe du 6 au 20 avril a bien été décidé hier jeudi 2 avril, NDLR]

Vous vous apprêtiez à annoncer avoir gagné la bataille contre Ebola dans l’Est du pays, le 12 avril prochain. Vous êtes l’un des premiers chercheurs à avoir pris en charge des patients infectés par cette autre maladie émergente. Il y a également une épidémie de rougeole dans le pays, à laquelle s’ajoute donc aujourd’hui l’arrivée du Covid-19. Avez-vous assez d’aide et de moyens pour faire face à une nouvelle épidémie ?

Pour nous, c’est une catastrophe sanitaire. D’autant plus que nous sortons de deux épidémies de maladie à virus Ebola. Ce sont les mêmes équipes que nous allons utiliser donc la fatigue se fait ressentir, il y a du surmenage. Avec la situation actuelle, les partenaires internationaux ont des problèmes dans leurs propres pays. Nous devons compter avant tout sur nos propres forces, mais aussi sur l’organisation et la discipline de la population.

RFI

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