Le président de la République, Félix Tshisekedi, entame du 3 au 5 avril 2019 un périple aux Etats-Unis. C’est sa première sortie officielle hors de l’Afrique. Au-delà du raffermissement des relations diplomatiques entre les deux pays, s’inviteront les mines congolaises, secteur dans lequel la Chine s’adjuge d’une longueur d’avance par rapport aux Etats-Unis. L’arbitrage s’annonce un exercice périlleux pour Félix Tshisekedi face à Washington et Pékin qui se livrent une guerre commerciale sans merci.

Le voyage du président Fé lix Tshisekedi aux Etats-Unis ne devrait pas se limiter aux seuls aspects diplomatiques. Déjà, dans la délégation qui accompagne le chef de l’Etat, on y retrouve des opérateurs économiques. C’est une preuve de plus que l’économie sera en bonne place dans les discussions que le chef de l’Etat prévoit d’entreprendre dans le pays de l’Oncle Sam.

Dans son agenda, on fait également état d’un passage aux Fonds monétaire international et à la Banque mondiale. Baliser la voie pour entamer des négociations autour de la conclusion d’un nouvel accord formel entre la RDC et les institutions de Bretton Woods devrait être sûrement à l’ordre du jour

Mais, dans le fond, le déplacement du chef de l’Etat aux Etats-Unis – il ne faut pas oublier que c’est son premier voyage hors de l’Afrique – cache de gros enjeux économiques. Loin des frontières de la RDC, les Etats-Unis et la Chine se livrent une farouche guerre commerciale qui a des ramifications à travers le monde.

Outre la grande percée de la Chine dans l’économie mondiale – ce qui menace durement les puissances traditionnelles – c’est la forte mainmise de Pékin sur les principales sources des matières qui gênent farouchement l’Occident.

Pays aux immenses potentialités naturelles, la RDC se trouve curieusement sur la ligne de mire. Elle n’est certes pas au centre de cette guerre, mais la très forte présence de la Chine dans les mines congolaises est mal perçue du côté des Etats-Unis. Washington travaille sérieusement pour stopper, sinon anéantir cette hégémonie chinoise sur les mines de la RDC. Y parviendra-t-il ? C’est tout le problème.

En réalité, combattre la Chine en RDC, c’est autrement mettre en cause tout ce qui a été fait par le président honoraire Joseph Kabila durant ses 18 ans d’exercice du pouvoir . La signature en 2007 des contrats chinois a couronné le pacte scellé entre Kinshasa et Pékin. Si bien que s’attaquer à ce qui a été à l’époque présenté comme « le contrat du siècle », c’est autrement chercher à faire table rase des années Kabila dans les mines.

Voilà l’exercice périlleux auquel devra se livrer le chef de l’Etat, Félix Tshisekedi. Car , au-delà des mines, c’est la bataille pour l’hégémonie économique mondiale qui est en jeu.

Divers observateurs pensent que la gestion du secteur minier servira d’étalon pour juger de la capacité de Félix Tshisekedi à installer son mode de gouvernance en RDC. Car , dans les mines congolaises, son prédécesseur, Joseph Kabila, est détenteur de gros intérêts. Ouvrir un front dans les mines, c’est autrement chercher à démanteler l’empire minier de Kabila, avec tout ce qu’il compte comme ramifications.

AVEC SON COBALT, LA RDC S’INVITE DANS LA BATAILLE

Sur le marché mondial, la Chine contrôle environ 80% de l’offre du cobalt raffiné. En amont, c’est la même Chine qui est la principale destination du cobalt produit en République démocratique du Congo, en industriel et à l’artisanat. Or , sur le marché de cobalt, la RDC est un géant, avec ses 60% des parts du marché.

Alors que les Etats-Unis et la Chine se livrent une farouche bataille commerciale, les répercussions de ce combat des titans n’épargneront pas la RDC. Pour cause, il y a bien évidemment le cobalt.

Le monde en veut énormément, au moment où explose le marché des véhicules électriques et d’autres gadgets électroniques. Or, la Chine contrôle à elle seule 80% de la production congolaise. Les Etats-Unis s’agacent. Ils veulent récupérer le grand retard par rapport à la Chine.

C’est en RDC que pourrait donc se déporter la guerre commerciale que se livrent les Etats-Unis et la Chine. C’est dire que le voyage aux Etats-Unis du président Félix Tshisekedi s’explique en partie par la mise en œuvre du plan de démantèlement de la Chine dans les mines de la RDC, lancée par les Américains. Ce n’est pas pour rien que l’agenda du président Félix Tshisekedi prévoit des entretiens directs avec le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo.

Au-delà du raffermissement des liens diplomatiques, ce sont les enjeux sécuritaires qui s’affrontent. Pour les EtatsUnis, l’accès aux immenses ressources naturelles de la RDC, principalement le cobalt, est aussi un enjeu sécuritaire de taille.

Il y a cependant un grand verrou que les Etats-Unis voudraient lever. C’est l’existence des contrats chinois ; ce partenariat stratégique signé en 2007 entre la RDC et un consortium d’entreprises chinoises en échange des investissements en infrastructures contre les mines.

Aux Etats-Unis, le président Félix Tshisekedi va recevoir des Américains la proposition de mettre fin aux contrats chinois, en contrepartie d’une protection assurée. Un deal qui lui sera présenté lors de son séjour américain.

Dans la région des Grands Lacs, les Etats-Unis ont déjà mis à profit leurs alliés pour convaincre le président Félix Tshisekedi à adhérer à ce schéma. Ses visites auprès de João Lourenco de l’Angola, Paul Kagame du Rwanda et Yoweri Museveni de l’Ouganda, sans oublier Uhuru Kenyatta du Kenya, s’inscrivent dans ce schéma.

En réalité, les Américains veulent damer le pion aux Chinois. Avec une Chine qui contrôle 80% de l’offre mondiale du cobalt, tout en s’adjugeant des 80% des exportations congolaises de ce minerai stratégique, les Etats-Unis commencent à se gêner. Ils ont convoqué Félix Tshisekedi pour le lui dire de vive voix, tout en lui proposant un plan pour atténuer l’influence chinoise dans les mines congolaises.

Le Potentiel

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