«Lorsque j’ai haussé le ton, les partenaires de mon pays sont venus me voir. J’ai bien voulu leur accorder cette chance aussi», répond-il à ceux qui lui rappellent la phrase prononcée en décembre 2023: «A la moindre escarmouche, on va attaquer le Rwanda».

C’est depuis le dimanche 28 avril que le Président congolais Félix Tshisekedi a entrepris une tournée en Europe. Bien avant de se rendre en France où il a séjourné le 29 et 30 avril dernier, le chef d’Etat de la RDC s’est rendu en Allemagne le même dimanche. C’est au cours de son séjour que Félix Tshisekedi a accordé une interview à nos confrères de Deutsche Welle, la radio internationale allemande. Interview dont l’intégralité a été mise en ligne hier dans la journée. « Forum des As » l’a décryptée pour vous, complétant ainsi la première partie reprise sur le site de la radio allemande. YK

Le président de la République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi, a entamé dimanche une visite officielle en Europe. En Allemagne, il a eu un entretien avec le chancelier fédéral, Olaf Scholz. La crise sécuritaire dans l’est de la RDC était notamment au menu des échanges. L’Allemagne soutient les efforts de médiation de l’Angola dans le cadre du processus de paix de Luanda. Cette rencontre avec le chancelier Olaf Scholz a été suivie d’un dîner de travail commun avec les délégations des deux pays. Félix Tshisekedi dit vouloir faire de la République démocratique du Congo, « l’Allemagne de l’Afrique ». Pour Félix Tshisekedi, la RDC dispose des ressources exploitables pour ces investissements mais il accuse le voisin rwandais de les piller. Malgré tout, le président congolais veut donner une dernière chance, dit-il, aux efforts de paix avec le pouvoir rwandais. Félix Tshisekedi répond aux questions de Wendy Bashi et Christina Gerhäusser.

Interview de Félix Tshisekedi

DW : Comment est-ce que vous comptez intensifier les relations entre la République démocratique du Congo et l’Allemagne ?

Félix Tshisekedi : J’ai beaucoup d’admiration pour ce qui se fait en Allemagne. J’ai toujours dit que je rêvais de faire de mon pays une sorte d’Allemagne d’Afrique, donc un moteur du développement africain. Et dans l’infrastructure, nous avons énormément de besoins, et c’est la clé d’ailleurs pour le développement d’un pays. Que ce soit les infrastructures routières et l’énergie propre. Surtout en ce moment. Et le Congo a des atouts. Mais maintenant, il faut des investissements pour développer tout ça.

Vous êtes le président d’un pays qui dispose d’immenses richesses. Et récemment, la RDC a accusé la multinationale Apple d’utiliser des minerais issus d’exploitations illégales acheminés et blanchis principalement vers le Rwanda en finançant même des groupes armés dans l’est de la RDC. Il y a même un ultimatum posé. Pour quoi exactement ?

Mais pour que ça cesse, tout simplement. Ça fait 30 ans que ça dure. Le Rwanda a découvert qu’en République démocratique du Congo, il y avait des minerais. Le Rwanda a noué des contacts dans la communauté internationale qui lui ont permis justement d’être le receleur, le vendeur de ces minerais du sang. Des minerais obtenus par la violence exercée sur nos populations pour les pousser à quitter les localités dans lesquelles on trouve ces minerais.

On a la présence aujourd’hui du M23 qui est soutenu par le Rwanda. Votre gouvernement l’a dit plusieurs fois. Est-ce que dans les prochains jours, vous prévoyez de rencontrer Paul Kagame?

Félix Tshisekedi: Il y a maintenant une tentative que nous, nous estimons être de la dernière chance. Et moi, comme je l’ai dit, je donne la chance à la paix. Le plus possible.

Mais, en décembre 2023, vous étiez plus incisif. Vous disiez alors : « A la moindre escarmouche, on va attaquer le Rwanda ».

Tout à fait. Vous savez, lorsque j’ai haussé le ton, les partenaires de mon pays sont venus me voir. J’ai bien voulu leur accorder évidemment cette chance aussi, d’essayer pour la dernière fois quelque chose. C’est ce qui se passe en ce moment. Mais, c’est déjà de leur donner l’espoir qu’un jour ces populations rentreront chez elles. Parce que nous mettons tout en œuvre pour y arriver. Je veux privilégier cette voie, la voix de la paix, parce qu’elle est moins couteuse d’abord et puis c’est le plus efficace, on ne perd pas de vie humaine.

Mais elle est plus longue. Les gens continuent à vivre sous des bâches, sous la pluie.

Ces gens, nous ne les laissons pas. Parce que, dans la mesure du possible, le Gouvernement leur apporte les moyens dont ils ont besoin. Ça ne suffit pas, c’est vrai. Mais, nous leur disons tout le temps d’espérer dans ce que nous faisons. En Ituri, en ce moment, il se passe de très bonnes choses. Si tout va bien, je prie Dieu pour que ça continue comme ça. Le cas de l’Ituri sera réglé dans les mois à venir, nous pourrons fumer le calumet de la paix de ce côté-là. Il restera donc le Nord-Kivu. Là, c’est une question de pillage des ressources de la RDC, en complicité évidemment avec certaines multinationales. Ça, c’est autre chose. Et donc, ça dépend justement de ces pays qui abritent ces multinationales. C’est à eux de faire pression sur ces sociétés pour qu’elles arrêtent ce commerce illicite. Nous sommes les représentants de la RDC et nous sommes ouverts à toutes les discussions, prêts à parler d’échange, de partenariat gagnant-gagnant, avec toutes ces multinationales plutôt que de les laisser se contenter de trafic macabre qui se fait sur la vie de nos concitoyens.

Qu’est-ce-que vous répondez aux personnes qui disent que ces trafics des minerais se font parfois, voire souvent, en complicité avec des Congolais. Ça ne vient pas seulement du Rwanda ou d’autres pays. Quelles sont les mesures prévues par rapport à ces personnes ?

En ce qui concerne les mesures, je crois que vous avez appris que nous avons suspendu le moratoire sur la peine de mort. A cause de certains compatriotes, il y a ce dégât humanitaire. Ce sont des choses qui arrivent, pas seulement du fait du Rwanda seul, mais du Rwanda et de ses complices qui vivent en République démocratique du Congo et qui sont Congolais pour certains d’entre eux. Donc, c’est pour ça que nous allons rétablir cette sanction. Le premier objectif, c’est de les dissuader. Mais s’ils s’en têtent, la peine de mort s’appliquera.

Deutsche Welle/FDA

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