En République démocratique du Congo, les résultats provisoires proclamés ce jeudi par la Commission électorale sont d’ores et déjà contestés. Selon la Céni, Félix Tshisekedi remporte la présidentielle du 30 décembre 2018 avec 38,57% des suffrages exprimés devant Martin Fayulu, 34,83%, et Emmanuel Ramazani Shadary, 23,84%.

De Kinshasa, en passant par Bukavu, fief de Vital Kamehre soutien de Félix Tshisekedi, on a assisté tôt ce matin à des scènes de liesse populaire. Même satisfaction du côté du président élu qui s’est exprimé rapidement : « Aujourd’hui, je suis heureux, heureux d’abord pour vous, pour vous la base, et à travers vous je suis heureux pour le peuple congolais parce que ce processus électoral, tout le monde, il n’y avait personne en tout cas qui pouvait penser qu’il allait se dérouler dans le calme, dans la paix. Tout le monde pensait qu’on allait arriver à l’affrontement, aux violences, à l’effusion de sang. Personne ne pouvait imaginer un tel scénario et surtout, un scénario au cours duquel un candidat de l’opposition allait sortir victorieux ».

Dans son camp, on se félicite de cette victoire comme l’explique Vital Kamerhe : « Nous allons voir une vraie passation de pouvoir, où le sortant va remettre le symbole du pouvoir à l’entrant. Et que la victoire est non seulement de l’opposition, mais de l’ensemble du peuple congolais. Je me suis effacé au profit de Félix Tshisekedi par amour pour notre pays et pour honorer la mémoire d’Etienne Tshisekedi. Aujourd’hui, son fils va terminer le combat que le père avait commencé. C’est comme Moïse et Josué. Et je crois que le peuple congolais aujourd’hui a tous les droits et les raisons de fêter ».

La coalition au pouvoir « prend acte » des résultats provisoires de la présidentielle. Le porte-parole du Front commun pour le Congo (FCC) laisse néanmoins la porte ouverte à de possibles recours par des voies légales et se dit déçu par le mauvais score attribué à Emmanuel Ramazani Shadary. Le dauphin de Joseph Kabila obtient, selon la Céni, 23,8% des votes. C’est donc bien derrière Félix Tshisekedi crédité de 38,57% des suffrages et aussi derrière l’autre opposant Martin Fayulu qui obtient 34,8% des voix.

« Putsch électoral »

Martin Fayulu dénonce un putsch électoral. « Le peuple ne se laissera pas confisquer cette victoire », répond Olivier Kamitatu, porte-parole de Martin Fayulu. « Ces résultats sont trafiqués, fabriqués. Nous voulons la vérité. Avec les machines à voter, des clés USB ont été trafiquées ». Dans la matinée, des manifestations de militants pro-Fayulu ont été signalées dans la localité de Kikwit. Selon plusieurs sources, ces militants s’en sont pris à des postes de police et d’autres bâtiments. La police a tiré pour disperser la foule faisant plusieurs morts. Les dégâts matériels sont importants.

Des résultats remis en cause aussi par la Cenco. La Conférence épiscopale des évêques de RDC affirme que ses observations ne correspondent pas aux résultats officiels de la présidentielle. L’Eglise catholique prend tout de même acte de la publication des résultats qui « ouvre la voie à une alternance au sommet de l’Etat ». Pour ce scrutin, la Cenco avait la plus grosse mission d’observation électorale du pays. La semaine dernière, après l’annonce du report des résultats de la présidentielle, la Conférence épiscopale avait dit ouvertement qu’elle avait le nom du président élu et qu’elle attendait que la Céni proclame les vrais résultats de cette présidentielle.

La France doute

Des informations qu’elle avait communiquées aux chancelleries internationales. Ce qui fait dire à la France, ce jeudi, que les résultats seraient « non conformes ». « Martin Fayulu était a priori le leader sortant de ces élections », affirme Jean-Yves Le Drian, le ministre français des Affaires étrangères, qui appelle les Congolais à garder le calme. « Il faut, avertit le ministre, qu’on évite les affrontements et que la clarté soit faite sur ces résultats qui sont inverses à ce que l’on imaginait ».

Réaction plus prudente du côté de Bruxelles, l’ancienne puissance coloniale de la RDC avec qui les relations sont d’ailleurs très tendues. La Belgique « attend, a expliqué son ministre des Affaires étrangères, Didier Reynders, de voir la réaction des Congolais eux-mêmes et des observateurs qui ont eu l’occasion de voir comment se déroulait le dépouillement » avant de se prononcer. Même prudence du côté des Nations unies qui ont « pris acte » des résultats provisoires proclamés par la Céni. Prudence encore du côté de l’Union africaine qui demande à ce que tous les recours soient faits dans le cadre de la légalité.

La réaction tardive de l’Afrique du Sud

Le président sud-africain Cyril Ramaphosa a finalement émis un communiqué dans lequel il s’est contenté de noter les résultats.

Pretoria a fait preuve de prudence après la publication des résultats provisoires. Cyril Ramaphosa prend note de ces résultats émis par la Céni, qu’il appelle à accélérer l’officialisation des résultats définitifs pour assurer selon lui « la crédibilité du scrutin et éviter toute effusion de violence. »

Le maintien de la paix, c’est le mot d’ordre pour Cyril Ramaphosa qui félicite tous les acteurs de l’élection pour avoir assuré la stabilité du pays pendant le processus.

Mais preuve de la prudence de Pretoria, Cyril Ramaphosa ne félicite pas officiellement et directement Félix Tshisekedi. Le vainqueur provisoire de l’élection présidentielle est pourtant un habitué de l’Afrique du Sud. Il y a passé plusieurs séjours l’an dernier pour tenter de rallier des soutiens.

Depuis l’arrivée au pouvoir de Cyril Ramaphosa, l’Afrique du Sud s’est éloignée de Joseph Kabila, allié de l’ancien président Jacob Zuma. L’ANC avait même accueilli des discussions de l’opposition congolaise à son siège à Johannesburg en septembre dernier.

RFI / MCP

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