L’arrivée du président Joseph Kabila en tenue militaire sur l’aéroport de Luano à Lubumbashi n’est pas passée inaperçue, ce jeudi 31 mai.

« La tension dans la région est palpable », explique un diplomate de Kinshasa qui a reçu les images de cette arrivée sur le coup de 15h, « comme nombre de mes collègues ».

Depuis le 25 mai et la rencontre entre le président rwandais, président en exercice de l’Union africaine, Paul Kagame et son homologue français Emmanuel Macron, le climat est à l’orage dans toute la région. Un climat qui s’est encore envenimé après le passage, ce lundi, du président angolais Joao Lourenço à l’Elysée.

Le message des trois hommes à l’attention de Joseph Kabila est sans ambiguïté. Les accords qui ont été signés sous l’égide des évêques catholiques entre la majorité et l’opposition, le 31 décembre 2016, doivent être respectés à la lettre. La RDC doit s’engager dans un processus électoral libre, démocratqiue et inclusif. Et les présidents angolais et français sont même allés un pas plus loin en soufflant au président Kabila, atteint par la limite constitutionnelle des deux mandats consécutifs, de ne pas se représenter…

« Une sortie vécue comme une vraie déclaration de guerre par les autorités de Kinshasa », poursuit un ambassadeur occidental en poste à Kinshasa qui explique que « certains lieutenants de la Kabilie étaient persuadés qu’une intervention militaire se préparait menée par les pays de la Sadec ».

Sassou aussi à Paris

Outre ces visites médiatisées à l’Elysée, des informations circulent aussi sur une rencontre, plus discrète, entre le président du Congo-Brazza et les plus hautes autorités françaises. Sassou était aussi à Paris cette semaine dans le cadre d’un sommet sur la Libye en tant que président du Comité de haut niveau de l’Union africaine sur la Libye. « Tout le monde sait que Sassou est incontournable dans la région », explique un ex-diplomate habitué dans la région. « Et Sassou est très préoccupé par la détérioration de la situation sécuritaire de l’autre côté du fleuve. Il sait que si Kinshasa éternue, Brazzaville sera rapidement contaminée avec les risques d’instabilié que cela induit. Si Kabila s’entête à vouloir rester au pouvoir, le danger sera encore plus grand. En fait, et c’est le message de Lourenço et de Macron, il n’y a aucune perspective d’amélioration de la situation avec Kabila. ».

« L’armée angolaise est inexistante »

Le constat n’a rien de neuf. Certains le dressent depuis de longs mois. Un plan d’actions régional visant à pousser Kabila vers la sortie est-il réellement envisageable ? « Le président Kabila n’a pas peur », explique un Congolais proche du cercle présidentiel. « Ne fantasmez pas sur sa tenue que vous jugez… militaire. Il n’est pas en guerre mais il a fait passer des messages clairs aux pays voisins. Pourquoi veulent-ils soudainement s’immiscer dans notre vie quotidienne. Ils ne doivent pas oublier que la RDC est un grand pays qui accueille les mouvements rebelles angolais, rwandais ou même ougandais. Comment réagiraient ces pays si nous devions renvoyer ses combattants chez eux. Qu’ils réfléchissent avant d’aller trop loin. Ils ne doivent pas penser que nous sommes un oiseau pour le chat, que nous allons les laisser nous insulter et nous menacer sans réagir. Le président Kabila l’a dit à certains de ses interlocuteurs, l’armée angolaise n’existe plus à ses yeux. Vingt ans que ces soldats n’ont plus combattu. Le Congo n’a rien à craindre de ces gens. Beaucoup sous-estiment notre armée, ils seront surpris. Nous avons aussi du matériel militaire qui devrait les faire réfléchir. »

« Du matériel qui vient surtout d’Ukraine », explique le diplomate présent à Kinshasa. « Il ya aussi les hommes qui vont avec et qui viennent aussi d’Ukraine. C’est toujours dangereux de confier ses armes à des gens qui ne sont pas de votre pays », conclut,… diplomatiquemnt, le diplomate.

En route pour Pékin

En froid avec les pays de la région, pas dans les meilleurs termes avec les pays qui comptent en Europe, Kabila et ses ouailles travaillent à un voyage en Chine pour la rentrée de septembre. Objectif ? « Chercher un partenaire de poids. Qui plus est, tout le monde sait que les Chinois ne sont pas très regardants sur des questions qui embarrassent Kinshasa comme les doits de l’homme », selon le diplomate, qui relativise quand même. « L’isolement de la RDC est une évidence et le calendrier ne joue pas en faveur du pouvoir kinois. Même si les Chinois peuvent se décider rapidement et de manière pragmatique, le compte-à-rebours semble inexorablement enclenché pour la RDC. «

La Libre

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