Emmanuel Macron va séjourner à Kinshasa dans quarante huit heures (à partir du samedi 4 mars) pour boucler sa tournée en Afrique centrale qu’il a entamée depuis hier par le Gabon. Dans la capitale congolaise, les choses risquent d’être plutôt chaudes pour le président français. Déjà, hier mercredi 2 mars, l’ambassade de France à Kinshasa a été prise d’assaut par des manifestants des mouvements citoyens qui protestaient contre l’arrivée du Président Emmanuel Macron.

Banderoles, calicots et pancartes déployés dans les airs portent des messages tout clairs : » Macron parrain de la balkanisation de la RDC « . » Macron assassin, sa place n’est pas à Kinshasa, nous ne voulons pas le voir ici… », » Macron égal Kagame… » « Macron assassin, Poutine au secours » : « les Congolais disent non à la politique de la France » ou encore « Macron indésirable en RDC ».

Les manifestants accusent Emmanuel Macron de soutenir le Rwanda aux dépens de leur pays. Beaucoup de Congolais ont l’impression que la France ne souhaite pas prendre de position claire sur la question du soutien du Rwanda au M23. Que ce soit Félix Tshisekedi ou le peuple congolais, ce qui est attendu, c’est une condamnation ferme d’une part et d’autre part un soutien ou une aide militaire.

Un peu plus tôt, le 1er mars, la résidence de l’artiste musicien congolais, Fally Ipupa, dans la commune de Ngaliema a été attaquée par des individus se réclamant de l’UDPS, parti au pouvoir. Si à ce stade aucune motivation de cet acte répréhensible n’est encore connue, on retient qu’il s’est produit au lendemain de la prise de photographie du président Macron avec Fally Ipupa. Ce dernier se trouve actuellement à Paris en France où il a été invité à l’Elysée par le Président français et à la grande cérémonie du trophée The Best le mardi 28 février dernier.

PARIS A DES CAPACITES DE MIEUX FAIRE LES CHOSES

Dans une interview accordée à France 24, hier mercredi 1er mars, le vice-Premier ministre, ministre des Affaires étrangères, Christophe Lutundula a annoncé ce que le peuple congolais attend d’Emmanuel Macron. Le chef de la diplomatie congolaise a appelé Macron à faire mieux. Allusion faite à sa dernière sortie médiatique du lundi 27 février. Pour le VPM Lutundula, les mots utilisés par Emmanuel Macron ne sont pas de nature à satisfaire la République démocratique du Congo.

Pour Christophe Lutundula, Paris a des capacités de mieux faire les choses. Ce type de déclaration, précise-t-il, serait tout de même fréquent et ne serait suivi d’aucune action réelle. Il fait remarquer qu’à la différence de la France, les Etats-Unis ont lancé à plusieurs reprises un appel à l’endroit du Rwanda pour se retirer de la RDC et de mettre un terme au soutien qu’il accorde aux terroristes du M23.

Comme on peut le remarquer, toutes ces actions constituent un message fort et on ne peut plus clair adressé à celui qui sera bientôt l’hôte de Félix Tshisekedi.

Le 27 février, dans son discours suivi d’une conférence de presse tenue au Palais de l’Elysée, en parlant de la guerre que mène ce groupe de terroristes, Emmanuel Macron a estimé qu’il s’agit d’« une régression inacceptable. L’offensive du M23 est une guerre qui nous ramène 10 ans en arrière ». Et de souligner que « l’unité et l’intégrité territoriale du Congo ne se discutent pas. « Deuxièmement, il n’y a pas de deux poids deux mesures« .

MACRON EVITE D’ALLER JUSQU’AU BOUT

En faisant cette déclaration, M. Macron n’a pas fait allusion au Rwanda qui soutient le Mouvement du 23 mars (M23). En termes clairs, Paris n’a pas parlé de Kigali, qu’il a évité de condamner dans cette entreprise criminelle qu’il mène via le M23.

Donc, en prenant cette posture, la France évite d’aller jusqu’au bout. En effet, condamner ouvertement Kigali le mettrait mal à l’aise. Alors que ses relations avec Kigali auraient beaucoup pesé pour que Paris arrive à obtenir de Kigali de cesser son soutien aux rebelles du M23.

Même si pour la première fois, la France a dénoncé le soutien apporté par le Rwanda aux rebelles du M23, elle est toujours incapable d’aller plus loin que la simple condamnation. Ces déclarations sont saluées par Kinshasa, qui demande des sanctions à l’encontre du régime de Paul Kagamé. Le Rwanda continue de nier en bloc toutes les accusations. En marge d’une visite en RDC, la France, par la voix de la secrétaire d’État chargée du Développement, de la Francophonie et des Partenariats internationaux, auprès de la ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Chrysoula Zacharopoulou. « La France condamne le soutien apporté par le Rwanda » au M23, a notamment déclaré la secrétaire d’Etat lors de ce déplacement à Kinshasa. Comme d’habitude, la France est incapable d’aller jusqu’au bout !

Pourquoi alors la France est incapable volontairement de condamner le Rwanda et, par conséquent, de le pousser à lâcher le M23, alors qu’elle en a la capacité ? L’histoire révèle que les pays de Macron et de Kagamé ont mis beaucoup de temps pour se réconcilier. Pour que leurs relations se normalisent, l’un et l’autre ont dû faire des concessions. Paris a donné beaucoup de gages à Kigali dans le dossier du génocide que Kigali n’a pas hésité à brandir comme menace et épouvantail.

DILEMME CORNELIEN DE MACRON

Aujourd’hui, dans le dossier de l’insécurité prévalant dans l’Est de la RDC et dont le Rwanda est accusé en être le principal instigateur, à la veille de la visite de son président au Congo-Kinshasa, Emmanuel Macron se trouve dans un dilemme cornélien : après avoir soutenu la RDC en condamnant le M23 qui mène une » offensive qui est une guerre qui nous ramène 10 ans en arrière « , selon ses propres propos, comment et pourquoi ne va-t-il pas jusqu’au bout de la logique pour condamner le soutien avéré de ces terroristes qu’est le Rwanda de Paul Kagamé ?

CONTENTER L’UN SANS MECONTENTER L’AUTRE

En d’autres termes, cela consiste en un exercice d’un équilibrisme politique très délicat : contenter l’un sans mécontenter l’autre. En dénonçant et en condamnant urbi et orbi et régulièrement le soutien de Kigali au M23, Kinshasa attend aussi de Paris cette même condamnation. Ce que son président hésite à faire. Car cela contenterait Kinshasa pour mécontenter Kigali. Mais ne pas le faire voudrait dire contenter Kigali et mécontenter Kinshasa. Telle est la situation actuelle.

Une situation qui sert beaucoup Paul Kagamé dont le pays a reçu beaucoup de la France, même si sa langue- le français – n’est plus officielle, supplantée par l’anglais. Mais aujourd’hui, c’est le Rwanda anglophone qui préside à ce jour aux destinées de la Francophonie pour un deuxième mandat.

Après avoir passé plusieurs années de brouille dans leurs relations concernant le génocide, Kigali accusant régulièrement Paris d’avoir aidé les génocidaires à mener leur sale besogne en terre rwandaise, les deux pays ont finalement arrondi les angles dans cette affaire.

La France est aussi redevable au Rwanda dont le contingent de 2 000 militaires est déployé au Mozambique pour officiellement combattre les djihadistes qui y sévissent, mais officieusement pour protéger les intérêts français, notamment pétroliers avec TotalEnergies.

Voilà c’est dans ce climat qu’Emmanuel Macron va effectuer sa visite au pays de Laurent-Désiré Kabila.

Kléber KUNGU
Forum des as

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