Les 09 et 10 février 2020 à Addis-Abeba, les Chefs d’Etat et de Gouvernement des pays africains seront en sommet ordinaire. Parmi les faits marquants attendus, il y a principalement le passage de témoin de l’Égypte à l’Afrique du Sud. L’année suivante (2021), cette dernière devrait céder la direction de l’organisation panafricaine à un pays de l’Afrique centrale.

Élue, l’année passée, à la deuxième vice-présidence du bureau de l’organe suprême de l’Union africaine, la RDC pourrait succéder, cette année, à l’Afrique du Sud à la première vice-présidence puis, en 2021, à la tête de l’ organisation continentale. Seulement, ceci requiert le maintien du consensus des pays de l’Afrique centrale autour de Kinshasa qui devrait aussi exprimer un certain leadership au niveau sous-régional et inventer des initiatives intéressantes pour la région.

Un an après l’élection du président Tshisekedi, ce défi n’est pas encore relevé. La RDC, elle même, a besoin du soutien régional aux efforts de neutralisation des groupes armés qui défient l’autorité de l’État dans l’Est de ce pays continent qui subit l »influence, malveillante diraient d’aucuns, de ces voisins ougandais et rwandais. La guerre de six jours à Kisangani en 1999 est loin d’être oubliée : Kampala et Kigali s »étaient frontalement battus pour le contrôle de la ville stratégique de Kisangani. Vingt ans après, les deux pays se regardent en chien de faïence et se disputent, de nouveau, au risque de s’affronter par groupes armés interposés sur le territoire congolais.

Pour éviter la survenance d’une fâcheuse belligérance entre ces deux pays dont le plus grand perdant sera l’Etat congolais, l’Angola du très diplomatiquement affirmé Président Lourenço a convoqué, en juillet puis août 2019, la quadripartite (sommet entre chefs d’Etat de l’Angola, de l’Ouganda, de la RDC et du Rwanda). L’homme qui réussit à imprimer sa marque dans la politique intérieure de l’Angola, n’entend manifestement pas ignorer le champ extérieur. Élu en 2017, Lourenço est très présent sur la scène sous-régionale, voire régionale.

En initiant la réconciliation entre l’Ouganda et le Rwanda, géographiquement éloignés de son territoire national, il atteste l’importance capitale de son pays dans le règlement de la préoccupante situation sécuritaire en RDC. Pourtant, si l’on fait foi aux informations sur la composition, jadis diffusées sur les réseaux sociaux concernant la coalition régionale avec un état major intégré (RDC, Rwanda, Ouganda, Burundi, Tanzanie) contre les groupes armés, l’Angola n’était pas repris dans ce jeu. Erreur stratégique de Kinshasa ou réserve de Luanda ? Une certitude : l’Angola, première puissance militaire en Afrique centrale, exprime son ambition d »exercer, à sa manière, un leadership clairement affirmé face au « trou noir » congolais. En bousculant l’agenda diplomatique de ses pairs ougandais, congolais et rwandais, pour participer à la troisième édition du sommet quadripartite de Luanda du dimanche 02 février 2020, Lourenço sait que le prochain sommet de l’Union Africaine évoquera avec admiration et saluera sa démarche.

Il va plus loin en initiant la quatrième édition de la quadripartite au poste frontière de Katuna/Gatuna qui constitue la pomme de discorde entre Kampala et Kigali. Rendez-vous fixé au 21 février, soit trois jours avant la tenue du sommet des pays signataires de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba prévu à Kinshasa. Pourquoi le président Lourenço n »a-t-il pas laissé le soin à la RDC d’abriter la troisième réunion de la quadripartite en marge du sommet sur l’Accord-cadre d’Addis-Abeba dont les quatre pays sont signataires ?

L’homme d’État angolais, qui veille à se distinguer de son prédécesseur quant au style diplomatique, ne veut certainement pas perdre son rang de vedette au bénéfice de la RDC qui semble miser beaucoup sur la symbolique du sommet du 24 février. Il y a à redouter que le sommet de Kinshasa soit marqué par l’absence des présidents angolais, ougandais et rwandais qui se seront rencontrés au moins à deux reprises en un mois. Avec possibilité des apartés en marge du sommet de l’Union Africaine, la semaine prochaine.

Pourtant, leur présence contribuera à marquer le succès de ses assises. Luanda envoie-t-il ainsi un signal de négociation à la RDC pour le laisser briguer la présidence de l’Union Africaine en 2021? L’on sait que le premier mandat du président angolais arrive à terme en 2022. Présider l’Union africaine lui offrira un gain politique dans son propre pays, à la veille des élections. Kinshasa, qui a plus intérêt de stabiliser l’Est du pays, pourrait-il renoncer à la course pour la direction de l’Union Africaine dont le résultat serait la consolidation de la légitimité du président Tshisekedi ? Les consultations entre les Chefs d’Etat angolais et congolais pourraient leur permettre de trouver un compromis et d’en persuader les autres pays de l’Afrique centrale. Faute d’arrangement, Lourenço, s’il tient à la présidence de l’Union Africaine en 2021, pourrait tacler Tshisekedi. Il en va du rapport de force.

JJ MWENU

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