Sur le Boulevard triomphal à Kinshasa, en face du Palais du peuple, les travaux du gigantesque futur Centre culturel et artistique pour l’Afrique centrale avancent, ce qu’a pris soin de souligner cette semaine l’ambassade de Chine, malmenée ces derniers temps en République démocratique du Congo.

« La pandémie de Covid-19 a stoppé beaucoup de choses, mais pas la construction » de ce centre, « financé par un don du gouvernement chinois et nouveau symbole de la coopération sino-congolaise », a tweeté l’ambassade, photos à l’appui.

Depuis plusieurs semaines, la représentation chinoise monte au créneau sur les réseaux sociaux pour répondre à diverses décisions et prises de position perçues comme hostiles à la très forte présence de la Chine en RDC, à sa manière d’opérer dans le juteux secteur minier et de tenir ses engagements.

Le changement est notable, au moins sur la forme, par rapport à l’apparente lune de miel de ces 20 dernières années.

Le ton a été donné en mai par le président congolais Félix Tshisekedi, quand il a annoncé son intention de « revisiter » les contrats miniers conclus par son prédécesseur Joseph Kabila.

Ce dernier a été au pouvoir de 2001 à début 2019, mais n’a vraiment disparu de la scène que deux ans plus tard, quand Félix Tshisekedi s’est débarrassé d’un encombrant accord de coalition avec lui. Depuis, l’actuel président montre qu’il a désormais les mains libres pour remettre à plat des contrats « mal négociés ».

« Il n’est pas normal que ceux avec qui le pays a signé des contrats d’exploitation s’enrichissent pendant que nos populations demeurent pauvres », avait-il lancé. De fait, la RDC est richissime en minerais – cobalt, cuivre, or, uranium, etc. Mais la majorité de sa population vit dans la misère.

La Chine étant de loin la plus présente dans l’extraction minière en RDC, certains observateurs ont vu dans les propos de Félix Tshisekedi un bras de fer engagé avec Pékin, au moment où la RDC s’est rapprochée des Etats-Unis. D’autres sont moins catégoriques, y voyant plutôt une manière de faire monter les enchères.

– Etat des lieux –

Dans la foulée du discours présidentiel, les annonces se sont accélérées depuis début août.

La présidence a notamment décidé d’examiner la part de l’entreprise minière publique, la Gécamines, dans une importante mine de cuivre et cobalt, TFM (Tenke Fungurume Mining), dont l’actionnaire principal est le groupe chinois China Molybdenum. Une commission va évaluer l’ampleur des réserves du site, afin de permettre à l’Etat de « rentrer équitablement dans ses droits », a-t-elle promis.

Encore plus spectaculaire, Félix Tshisekedi a demandé un état des lieux de l’exécution d’un mégacontrat sino-congolais signé en 2008, par lequel un consortium chinois devait construire des infrastructures en échange de minerais. Le montant total concerné était au départ de 9 milliards de dollars, revu l’année suivante à 6 milliards.

Clairement, le gouvernement congolais estime aujourd’hui que le compte n’y est pas dans la réalisation des infrastructures promises.

En réponse, le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Zhao Lijian, a au contraire mis en avant « des investissements réalisés dans des infrastructures de base telles que des routes, des hôpitaux, des usines hydroélectriques… ». En plus de dix ans, a-t-il estimé, le « partenariat stratégique » sino-congolais a permis de promouvoir « le développement de l’industrie minière locale, de contribuer au financement des collectivités locales et de développer l’emploi ».

Mais ce discours ne semble guère convaincre l’opinion congolaise, plus perméable ces dernières semaines à des remontées du terrain très défavorables aux Chinois.

Par exemple, dans le Sud-Kivu (est), le gouverneur a suspendu les activités d’extraction aurifère d’entreprises chinoises qui, selon lui, ne respectent ni les règles du code minier, ni l’environnement, ni les droits de l’Homme.

Un documentaire accusant la Chine de coloniser la RDC a aussi alourdi le dossier, d’autant plus que le Dr Denis Mukwege, prix Nobel de la paix 2018, y est interrogé et assimile à « une forme d’esclavage » le comportement des Chinois.

L’ambassade de Chine a répliqué, jurant de sa bonne foi, promettant de mener des enquêtes et de sévir contre les entreprises qui se livreraient à de l’exploitation illégale.

Vendredi, son tweet sur le centre culturel a suscité des commentaires mitigés, allant de « bravo à @AmbCHINEenRDC, @USAmbDRC n’a jamais rien offert de tel au peuple », à « cette construction énorme ne va pas nous faire oublier le pillage et l’esclavagisme entretenus par vos ressortissants ».

La libre Afrique

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