Comme annoncé lors de la création du réseau panafricain de lutte contre la corruption (UNIS) , Jean-Jacques Lumumba, lanceur d’alerte et petit-neveu du premier Premier ministre du Congo indépendant, s’est retiré de la présidence de cette structure. Une vraie alternance démocratique. Mais pas question pour autant d’abandonner le combat contre la corruption et pour l’émergence d’une nouvelle génération de décideurs africains. Entretien.

Monsieur Lumumba, pourquoi avez-vous quitté la présidence d’UNIS, le réseau panafricain de lutte contre la corruption ?

Je pense qu’il était temps pour moi de passer la main. A la création de UNIS, j’avais promis que deux ans après, je passerai la main car je ne suis pas détenteur de la science infuse. Je n’ai été que la voix des autres du Réseau Panafricain de lutte contre la corruption et aujourd’hui c’est le Président Jimmy Kande, qui est le plus apte à porter la voix de cette lutte au sein de notre organisation.

Cela signifie donc que vous resterez un acteur de cette lutte contre le fléau de la corruption ?

Je vais rester pleinement acteur de la lutte contre la corruption. UNIS a décidé de me garder comme ambassadeur de cette noble cause. Je change de casquette mais je n’abandonne pas mon combat panafricain. Je reste convaincu que dans la vie, il est important de se battre pour une cause pour laquelle, on est prêt à mourir et à laisser sa vie. J’ai choisi ce combat et il m’a choisi. Je ne vais en aucun cas abandonner mes frères et sœurs qui tous les jours manquent le nécessaire parce qu’à un guichet une personne exige un pot de vin, dans un bureau une rétrocommission est conditionnée avant toute signature, une surfacturation entretient le train de vie d’un homme public et le train de vie de l’état ne baisse pas au détriment d’un système sanitaire et éducatif adéquat.

Malgré tout, avec ce nouveau rôle, vous changez de dimension. Vous allez inévitablement approcher la sphère politique ?

La politique régule la vie de la société. Inévitablement pour lutter contre la corruption, je côtoie déjà la sphère politique. Avec ce nouveau rôle, je serai toujours aux côtes des organisations sœurs tant au niveau national qu’international en allant auprès des politiques pour plaider pour l’adoption des lois, des mesures, des instructions qui favoriseront la bonne gouvernance, la protection des droits humains, la protection des lanceurs d’alerte. Il y a également la grande question de la transition énergétique qui risque d’accoucher d’une souris si les écueils liés à la corruption ne sont pas soigneusement évités.

Un Lumumba qui se frotte – même un peu, même de loin – à la politique, vous vous doutez bien que ça ne passera pas inaperçu ?

Le nom que je porte gardera toujours une portée hautement symbolique et surtout avec le combat que je mène, tous les espoirs que je peux susciter ne me surprennent pas mais je ne mettrai jamais la charrue avant le bœuf. Je suis un adepte de la préparation, de la formation et de l’excellence. Je ne crois pas à l’improvisation et à l’impréparation dans l’exercice de toute responsabilité tant sur le plan personnel, privé que public. Toute réussite est le fruit d’une bonne préparation et je pense que mon pays ne réussira le pari du développement que dans la planification, et la définition des objectifs réfléchies, réalisables, efficients en adéquation avec les moyens en notre possession.

A chaque remaniement ministériel ces dernières années en RDC, votre nom a été cité dans certains salons. Avez-vous déjà été approché ?

A vrai dire, je n’ai jamais reçu des propositions directes et concrètes pour faire partie des gouvernements successifs en RDC. Mais c’est aussi vrai que certains Congolais ou Africains et même certaines personnalités politiques à titre individuel veulent me voir jouer un rôle de premier plan dans mon pays mais je reste convaincu que chaque citoyen conscient joue déjà un rôle important et chaque chose se fera en son temps.

Qu’est-ce qui pourrait vous amener à changer d’avis et à entrer dans un futur gouvernement congolais ?

Pour entrer dans le gouvernement, il faut faire partie d’une formation politique membre de la coalition ou du parti majoritaire à l’Assemblée Nationale mais pour le moment rien de tel n’est envisageable. Je ne suis proche ni du camp présidentiel, ni du microcosme politique congolais et, en tant qu’analyste réaliste, je reste convaincu qu’un tel rapprochement et les conditions de sa réalisation sont très loin d’être réunies.

Le président Tshisekedi a annoncé le week-end dernier que les prochaines élections présidentielles auraient bien lieu en 2023 ? Cette promesse est-elle crédible vu l’état de non avancement de la mise en place de la nouvelle CENI ?

L’organisation des élections requiert un chronogramme, une loi, un bureau, des préalables et des moyens financiers pour y arriver. Je pense qu’il faudra juger cette nouvelle promesse par la réalisation des faits concrets sur le terrain.

Vous êtes un ancien banquier, les chiffres ça vous connaît, dès lors, économiquement, vu la situation de la RDC, Tshisekedi a-t-il les moyens d’organiser un scrutin crédible ?

Tout est possible si la volonté politique et la transparence y sont. Les dernières élections ont été une grande supercherie tant sur le plan financier que sur le plan de l’organisation du scrutin même. Il y a lieu de réhabiliter la cour des comptes et de la remettre en marche afin que l’orthodoxie des finances publiques en général et celles liées à l’organisation des futures échéances soit suivie avec la plus grande rigueur.

Martin Fayulu, qui n’est pas entré dans l’Union sacrée voulue par Tshisekedi, est-il le seul adversaire de l’actuel président en 2023 ? Pensez-vous que d’autres candidats peuvent apparaître ?

L’adversaire du Président Tshisekedi en 2023 sera le bilan de son quinquennat. Depuis 1960, toutes les promesses ont été données avec les réalisations que nous connaissons tous et la classe politique que nous pouvons identifier. Le peuple congolais se choisira l’homme qui pourra lui permettre de s’exprimer et se battra réellement pour ses intérêts dans les actes et non dans les discours car les indicateurs socioéconomiques alarmants et dégradants ne changeront jamais par des discours.

La libre Afrique

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