Le secrétaire général intérimaire de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS) a présidé ce mercredi 21 avril une matinée politique axée sur les questions de l’heure en République Démocratique du Congo.

Dans ses propos, Augustin Kabuya a affirmé que pour le premier mandat de Félix Tshisekedi (2018-2023), le pays a été géré ensemble avec Joseph Kabila, autorité morale du FCC, celui d’Ensemble pour le changement de Moïse Katumbi, du MLC de Jean-Pierre Bemba ou encore de l’UNC de Vital Kamerhe.

« Les deux premières années, nous avons géré ensemble avec le FCC, nous sommes tous comptables (ndlr, devant le peuple). Les trois dernières années, puisque chez nous il n’y aura pas de glissement, nous serons comptables avec nos amis d’Ensemble pour la République de Moïse Katumbi, de MLC de Jean-Pierre Bemba, de l’AFDC de Bahati, de l’UNC de Vital Kamerhe. C’est-à-dire que pour son premier mandat, le chef de l’Etat a partagé son pouvoir avec tout ce monde-là. Ça ne sert à rien qu’on vous dise qu’on a échoué parce que dans tous les ministères il n’y a pas que les membres de l’UDPS (…) au bureau du Sénat, d’ailleurs, nous n’avons personne. Pour les gens qui disent que l’UDPS a détruit ce pays, sachez que l’UDPS n’a pas mis en place sa politique pour ce pays », a affirmé Kabuya devant les militants du parti.

Pour lui, le bilan de l’UDPS sera jugé après les élections de 2023 lorsque l’UDPS aura sa majorité au Parlement.

« Les gens vont juger l’UDPS après 2023 pendant que le Chef de l’Etat sera en train de faire son deuxième mandat puisqu’en ce moment nous serons majoritaires au Parlement. C’est le moment de commencer à vous expliquer ces choses-là », a-t-il insisté

Contexte

De sa haute taille et sa large carrure, Felix Tshisekedi Tshilombo, le cinquième président de la République démocratique du Congo (RDC) donnait politiquement l’air d’un falot au début de son quinquennat, un « président protocolaire », disaient ses détracteurs tout comme ses alliés. Pourtant seuls deux ans lui ont suffi pour écarter du pouvoir, son prédécesseur Joseph Kabila.

Celui-ci avait quitté le pouvoir le 24 janvier 2019 tout en gardant le contrôle des institutions par sa majorité « parlementaire » gagnée lors des élections générales et controversées du 30 décembre 2018 donnant Tshisekedi pour vainqueur dans un climat de rejet des résultats par l’occident et l’influente Eglise catholique.

Tshisekedi « avait les pieds et les mains liés », résumait avec le sourire un diplomate occidental en poste à Kinshasa. Dimanche 6 décembre 2020, le Président surnommé « béton » par ses partisans et admirateurs kinois surprend le monde lors d’une allocution télévisée. D’un ton très solennel, il annonce la fin de la coalition au pouvoir qu’il formait avec la majorité parlementaire de Kabila.

Les « blocages »

A qui veut l’entendre, les proches de Tshisekedi ont de quoi justifier la fin de cette coalition sous le label FCC – CACH (Ndlr : front commun pour le Congo de Kabila et Cap pour le changement de Tshisekedi).

« On ne pouvait plus accepter d’avoir des ministres qui servent deux maitres, qui ne servent ni le peuple ni le président de la République », se justifie Augustin Kabuya, secrétaire général du parti présidentiel, l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS).

Le parlement pro Kabila « bloquait plusieurs réformes et était devenu un outil de chantage contre le président », déclare l’un des proches conseillers de Tshisekedi.

En effet, derrière l’image d’une cohabitation unie, chaque camp tirait son épingle du jeu pour s’imposer sur l’échiquier politique.

Dans son allocution, le Chef de l’Etat qui – deux ans avant vantait son prédécesseur – n’avait plus sa langue dans la poche.

« Malgré les efforts que j’ai déployés, les sacrifices que j’ai consentis et les humiliations que j’ai tolérées, cela n’a pas suffi à faire fonctionner harmonieusement cette coalition », avait-il constaté, vivement applaudi par ses partisans, sénateurs et députés réunis le 15 décembre pour son discours annuel sur l’état de la nation.

Les coups contre Kabila

Mais bien avant ce discours, la coalition vivait au rythme des querelles et des coups bas. Le camp Tshisekedi interdisait à certains proches influents de Kabila, de voyager.

De son côté, le FCC avait tenté de faire passer des réformes judiciaires contestées et d’imposer son candidat à la tête de la très convoitée Commission électorale (Céni).

Après bien des mois de tensions, Tshisekedi a pris les affaires en mains, d’abord opérant un remaniement en profondeur dans l’appareil sécuritaire, mais le processus de divorce a été enclenché par la nomination des juges au sein de la très stratégique cour constitutionnelle que Tshisekedi contrôle désormais.

C’est le point de non – retour : Violation de la constitution, coup de force, dictature … les lamentations du camp Kabila n’ont pas freiné Tshisekedi.

Et pour s’assurer que ses manœuvres seront portées, Tshisekedi qui souhaite désormais une nouvelle majorité parlementaire, teste.

« L’union sacrée »

Première étape : Jeanine Mabunda, la présidente pro-Kabila de l’Assemblée, est destituée, une action approuvée par une majorité de 281 députés sur 500. Le président avait ensuite obtenu, aux termes des consultations, l’appui des opposants Jean – Pierre Bemba et Moise Katumbi avant de débaucher des centaines de députés pro Kabila.

Plusieurs poids lourds du camp de l’ancien chef de l’Etat et des députés ont fini par être convaincus au point d’effriter la cohésion du clan.

Les convertis expliquent leur départ par la volonté d’accompagner Félix Tshisekedi dans sa « vision de l’union sacrée » mais derrière ce deal de mercato politique circule des billets de banque, selon plusieurs témoignages.

Le chef de l’Etat qui ne comptait qu’une quarantaine de députés autour de lui, dispose désormais d’une majorité de 391 députés sur 500, selon Modeste Bahati Lukwebo, le chargé de mission qu’il avait nommé le 1er janvier pour identifier cette nouvelle majorité.

Tshisekedi accélère la rupture. Désavoué par l’Assemblée nationale, le premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamaba, démissionne, le 29 janvier 2021, laissant Tshisekedi, qui a désormais les mains libres pour nommer son propre chef de gouvernement, soutenu par sa nouvelle majorité parlementaire.

Kabila est resté mutique même lorsque des dizaines de sénateurs accusés de s’être ralliés au nouveau président obtiennent la démission du président du sénat, Alexis Thambwe Mwamba, le dernier pro Kabila resté à la tête d’une institution.

Kabila, un Opposant ?

Au passage, des pro Kabila ne cessent de dénoncer la violation permanente de la constitution et des lois par Tshisekedi. L’ancien président a quitté la capitale Kinshasa depuis novembre 2020, lorsque la crise politique était à son summum entre les deux parties.

Il s’est retranché dans sa richissime province minière du Haut-Katanga (Sud – Est), sa région natale depuis le 11 décembre 2020.

« Il a vraiment été écarté. Les cartes sont rebattues », confirme le professeur des sciences politiques de l’université de Kinshasa, Jean – Claude Abamba.

Ce politologue ne croit cependant pas à la rupture « intégrale » du cordon ombilical entre les deux ex-partenaires, car selon lui, « Kabila a toujours une influence manifeste au sein de l’appareil sécuritaire » qu’il a lui-même forgé pendant ses 18 ans de règne.

Le professeur croit de moins en moins aux chances de Tshisekedi pour améliorer sa gouvernance, même avec ses nouveaux alliés, « même si ce coup de force contre Kabila est réjouissant pour la majorité des congolais impatients de voir leur quotidien s’améliorer ». Il estime également que « les brouilles ne vont tarder avec les nouveaux alliés car Tshisekedi s’est remis dans une situation initiale. Il veut cohabiter avec ses principaux adversaires lors des élections de 2023 ».

La rupture avec Kabila est « le fruit de la pression de la communauté internationale, surtout des Etats – Unis [grand allié du régime] » sur Tshisekedi, qui s’est tourné vers l’extérieur pour financer ses programmes et attirer les investisseurs, affirme-t-il.

Pendant ce temps, la centaine de députés et sénateurs restés fidèles à Kabila et autres caciques du FCC envisagent déjà une vie d’opposants politiques.

Africa 24 sur 24

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