Le New York Times a enquêté sur le processus par lequel les sanctions américaines contre le milliardaire israélien Dan Gertler – ami de Joseph Kabila, qui favorisa largement ses affaires au Congo – ont été suspendues durant les derniers jours du mandat de Donald Trump. Plusieurs anomalies apparaissent, selon notre confrère new yorkais.

Le nom de Dan Gertler est connu des Congolais depuis que Laurent Kabila, qui avait pris le pouvoir à la chute de Mobutu, lui avait accordé un monopole sur l’achat des diamants de la Miba, compagnie dont l’Etat congolais détenait 80% des parts. Le jeune Gertler s’enrichit grâce à cette faveur et la protection des Kabila se prolongea sous le règne du fils, Joseph, dont Dan Gertler était un proche; il fut ainsi le seul blanc invité à la table du chef de l’Etat lorsque se dernier se maria, en 2006. Mais, selon le New York Times, en avril 2002 déjà, Joseph Kabila avait fait de l’Israélien son « émissaire » auprès du président George W. Bush pour lui parler des « besoins » de la RDCongo.

En 2017, le département du Trésor des Etats-Unis adopta une série de sanctions à son encontre lorsqu’il apparu que les faveurs de Kabila à Gertler avaient fait perdre 1,36 milliard de dollars à l’Etat congolais, dont la population vit dans la misère. Ces sanctions gênaient beaucoup les affaires du magnat israélien, le coupant de facto du système bancaire international, où les échanges se font en dollars, bien que Dan Gertler parvienne à les contourner.

Secret inhabituel

En janvier dernier, on a appris que durant les derniers jours du mandat de Donald Trump, ces sanctions avaient été suspendues pour un an. Selon le New York Times (21 février 2021) cette décision suivait une demande faite par Dan Gertler début décembre 2020. Le journal américain note que pour obtenir cette faveur de dernière minute, Dan Gertler aurait utilisé ses liens politiques et personnels, notamment avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.

Notre confrère relève en outre le « secret » inhabituel qui a entouré le processus de suspension des sanctions contre Gertler. Ainsi, les diplomates américains les plus directement responsables du Congo et de la lutte contre la corruption en Afrique – notamment l’ambassadeur américain à Kinshasa, Mike Hammer; l’Envoyé spécial pour les Grands lacs, Peter Pham; le Secrétaire d’Etat adjoint pour les Affaires africaines, Tibor Nagy – n’ont pas été avertis en amont de la publication de la décision, selon le journal, contrairement à ce qui se fait habituellement. L’affaire a été traitée largement par le Secrétaire au Trésor Steven Mnuchin et le Secrétaire d’Etat Mike Pompeo et leur décisison n’a été rendue publique qu’après le départ de Donald Trump de la Maison Blanche, le 20 janvier.

Le New York Times note d’autres anomalies dans cet « extraordinaire revirement de politique envers M. Gertler », comme la rapidité de la décision, sans qu’une « documentation justifiant la décision » soit rendue publique et sans une large consultation du Département d’Etat et du Conseil national de Sécurité. Et cela alors que certains diplomates américains et des membres du Congrès des deux partis cherchaient, au contraire, à étendre les sanctions contre le milliardaire israélien.

Enfin, pour parvenir à son but, M. Gertler a engagé des avocats qui sont aussi enregistrés comme lobbyistes à Washington, ce que notre confrère new-yorkais juge « aux limites » de la loi fédérale: « les règles du Département du Trésor interdisent généralement aux personnes sous sanctions de recourir aux services de lobbyistes aux Etats-Unis ».

La libre Afrique

LAISSER UNE RÉPONSE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
Veuillez entrer votre nom ici