Ce qui paraît aujourd’hui comme simple débat sur les articles de la Constitution prend l’allure d’un pugilat. Le camp Kabila se trouve en guerre avec celui de Tshisekedi, pourtant des alliés. Un seul en sortira vainqueur, pourvu qu’il ait la plus grosse manœuvre et de l’énergie pour clouer l’autre. Quand deux éléphants se battent, ce sont des herbes qui en pâtissent, renseigne une sagesse africaine. Le peuple souffre atrocement de ces affres.

L’annonce d’un Congrès par le président du Sénat, Alexis Thambwe, paraît comme un déclic qui ouvre à une crise institutionnelle. C’est un préalable à la rupture de la coalition au pouvoir qui a difficile à cohabiter. Le président du Sénat estime que le Chef de l’État a violé la Constitution de la République en proclamant l’état d’urgence sanitaire. Il affirme qu’il n’en a pas été question au menu de leur entretien avec Félix Tshisekedi en mars 2020. Mais, Thambwe Mwamba ne dit pas exactement de quoi il s’agissait lors de cette rencontre entre le président Tshisekedi, le Premier ministre, lui-même et sa collègue de l’Assemblée nationale.

Jean-Marc Kabund rétorque que Félix-Antoine leur avait parlé de sa volonté de décréter l’état d’urgence sanitaire, conformément à la possibilité que lui offre la Constitution, celle d’une simple concertation. Du coup, c’est une levée de boucliers. Chaque camp exhibe ses biceps, toute en brandissant la même Constitution. Alexis Thambwe annonce la tenue du Congrès, Gilbert Kankonde s’invite au débat en annonçant la fermeture provisoire du Palais du peuple afin de faire respecter les mesures d’urgence annoncées par le Chef de l’État. Voilà un bras de fer qui va certainement faire des victimes.

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Les avis partagés

Devant la presse dimanche 12 avril 2020, le président du Mouvement Lumumbiste Progressiste, (MLP) a fustigé la dernière sortie médiatique du président du Sénat au sujet de la déclaration de l’état d’urgence sanitaire proclamé par le président de la République.

Pour Franck Diongo, en déclarant que l’état d’urgence sanitaire proclamé par le président Tshisekedi est un acte de fait et non de droit, Thambwe Mwamba donne une nouvelle opportunité au Chef de l’État de dissoudre l’Assemblée nationale car, dit-il, cela démontre l’existence d’une crise institutionnelle. “Voilà que les deux Chambres sont en crise avec le gouvernement. Et ici, il est question du gouvernement élargi, y compris les actes du président. Tous les actes du président sont entravés par le parlement“, a-t-il conclu.

Au sujet de l’ordonnance présidentielle portant déclaration de l’état d’urgence sanitaire, l’ancien député national Franck Diongo cite les articles 85, 144 et 145 de la Constitution pour démontrer qu’elle est conforme à la loi fondamentale. Pour sa part, le Changement en marche, un parti issu du Front commun pour le Congo (FCC), n’a pas apprécié les propos tenus par le président du Sénat sur la convocation du Congrès. De ce fait, ce parti demande au speaker du Sénat de respecter. à son tour, la Constitution. « Nous avons condamné les propos tenus par l’honorable Alexis. Ces propos ne reposent sur aucune base constitutionnelle“, précise le président de ce parti.

L’interprétation des articles 85, 144 et 145 de la Constitution divise les juristes.
Pour Francis Kalombo, ancien député national, ce n’est pas à Thambwe Mwamba de constater que le président a violé la Constitution. Cela relève de la Cour constitutionnelle. “Le président du Sénat doit revoir ses cours de droit constitutionnel», a répliqué Francis Kalombo. Il a ajouté :« Même si l’on est animé de mauvaise intention on ne peut pas aller jusque-là ».

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Début d’une rupture

Les exemples des gens qui ont réagi face aux propos du président du Sénat sont légion. De l’avis de plusieurs analystes de la politique du Congo-Kinshasa, ce débat augure une ère très tendue entre Tshisekedi et Kabila. Les Congolais retiennent encore leur souffle devant l’annonce et l’interdiction du Congrès. Personne ne sait imaginer exactement ce qui pourra advenir dans les jours qui viennent.

Pour les uns, Tshisekedi a ainsi une opportunité de dissoudre l’Assemblée nationale qui semble bloquer ses actions. Encore faut-il qu’il ait les moyens nécessaires d’organiser les élections législatives dans les 60 jours qui suivent cette dissolution.

Mais, pour d’autres, le FCC mijotait un coup contre l’Autorité morale du Camp pour le changement (CACH). C’est ce qu’a révélé Kabund a Kabund lors d’une émission sur Top Congo FM, dimanche 12 avril 2020.

Certes, il y a des conflits larvés au sein de la coalition au pouvoir. Chaque camp semble posséder des arguments pour évincer l’autre. Ce qui a poussé quelques observateurs à décrier l’hypocrisie du partenariat FCC-CACH. Cette guerre fera inévitablement des victimes. Il y aura un gagnant et un perdant. Celui en position de force sera sans nul doute le gagnant de ce duel.
Peut-être que le développement de la RDC est à ce prix.

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Édouard Bajika
Politico

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